édito"Lobby LGBT" : les ressorts de cette arnaque inventée par l'extrême droite

Par Thomas Vampouille le 28/09/2022
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Le petit air du "lobby LGBT", tellement banalisé qu'il revient parfois sans guillemets ni contexte dans la bouche de journalistes pourtant peu suspects d'homophobie, a été composé et mis en musique par l'extrême droite qui, de la Russie de Poutine aux États-Unis de Trump en passant par l'Europe d'Orban, compose un vrai lobby… anti-LGBT.

C’est une petite musique qui revient, et qui paraît inoffensive : il y aurait un “lobby LGBT”. Fort bien. Si c’est pour signifier que la communauté s’organise afin de lutter pour ses droits, nous l’assumons. Quoi, aurait-il fallu, pendant que les Parlements successifs organisaient les libertés de chacun dans notre République, que nous restions sur ses marches sans mot dire ? Silence, invisibilité, panier à salade… Non, nous ne nous excuserons pas d’avoir, pour mettre fin aux injustices et aux persécutions, forcé l’entrée des allées du pouvoir – l’origine, anglo-saxonne, du mot “lobby” vient de là, de ces couloirs des lieux de décision que fréquentaient les groupes de pression afin d’y exercer leur influence. On notera au passage l’efficacité diabolique du “lobby LGBT” : il aura fallu attendre 1982 pour mettre fin aux arrestations arbitraires des homos, puis encore trente ans pour accéder au mariage, puis dix ans supplémentaires pour obtenir l’égalité d’accès à la PMA ou l’interdiction des “thérapies” prétendant nous “guérir”…

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Lobby toi-même

Comme on le fait avec beaucoup d’injures qui nous sont adressées – pédé, queer, folle –, nous nous approprions parfois le terme “lobby” sur le ton de la blague. Mais a-t-on seulement relevé la nature de la charge ? Il y d’abord la minimisation, comme quand Marine Le Pen expliquait, le 19 mai 2013 sur le plateau de France 5, que “le mariage n’était qu’une revendication ultra-minoritaire portée par le micro-lobby LGBT”. Mais qu’une seule minorité, si petite soit-elle, subisse une discrimination, et “la flétrissure nous atteint tous”, pour reprendre les mots de Robert Badinter devant l’Assemblée nationale le 20 décembre 1981. Et il y a surtout la disqualification, que la campagne présidentielle d’Éric Zemmour aura au moins eu le mérite d’expliciter haut et fort, comme sur BFMTV le 9 février dernier : “Les LGBT sont un lobby et des gens qui essayent d’influencer la politique nationale au détriment de la majorité, qui veulent imposer leur vision du monde au détriment de la vision du monde de la majorité.”

Au détriment, nous y voilà… Ces inlassables opposants à toute avancée des droits pour les LGBTQI+ savent bien que dans l’imaginaire populaire en France – les cultures libérales ont le lobbying moins honteux –, un lobby défend des intérêts, le plus souvent privés, au détriment s’il le faut de l’intérêt général. Voilà leur entourloupe : déshonorer des luttes fondamentales, celles de minorités pour le droit d’exister sans discriminations ni tabassages, en les faisant passer pour la défense cupide d’intérêts particuliers. Et nous voici, nous qui marchons fièrement drapeaux brandis, accusés d’agir dans l’ombre et de suivre un agenda secret, prêts à toutes les manipulations pour triompher, fût-ce aux dépens de la démocratie… Zemmour dit “le lobby LGBT” comme ses ancêtres idéologiques disaient “la juiverie” ou “l’hydre franc-maçonne”. Et d’ailleurs, que cite-t-il comme exemple de victoire LGBTQI+ qui aurait été obtenue au détriment de la majorité ? “Le mariage homosexuel”. Car il ne viserait rien de moins qu’à “démolir la norme hétérosexuelle”. Ben voyons !

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Illustration : Cécile Alvarez pour têtu·

[Article initialement paru dans notre numéro 230]