Faux cils de meneuse de revue et foulard soulignant le port de tête princier, James Brown prend la pose et aimante les regards. Pour photographier l’influenceur drag-queen nigérian aux 657 000 abonnés Instagram, Sabelo Mlangeni a dû patienter deux bons mois.
Le temps nécessaire pour le rassurer et se fondre dans la communauté queer du Royal House of Allure, à Lagos, au Nigeria. Ce refuge précieux dans un pays où l’homosexualité est criminalisée depuis 2014 se dévoile dans l’impressionnante série de photos exposées, au Palais de Tokyo, à Paris dans le cadre de l’exposition « Ubuntu, un rêve lucide ».
Diplômé du Market Photo Workshop à Johannesburg, Sabelo Mlangeni vit au plus près des minorités pourchassées. En Afrique du Sud, loin des métropoles, il a déjà photographié les transsexuels du bush profond. En 2019, il commence à se documenter sur la culture de la célébrité sur les réseaux sociaux en Afrique et repère le profil de James Brown. Rendez-vous est pris à Lagos, où le photographe est en résidence.
Echapper aux vexations et aux violences
Derrière le charismatique travesti, Sabelo Mlangeni découvre une communauté d’artistes, stylistes, designers et travailleurs sociaux, regroupés par nécessité pour échapper aux vexations et aux violences. Dans ces lieux, la mouise côtoie le glamour, et les concours de style ressuscitent l’esprit ballroom des années 1960, quand les gays noirs et latinos de New York ont commencé à afficher leur singularité.
« Le problème, c’était l’absence d’électricité. Le flash attire trop l’attention. » Sabelo Mlangeni, photographe
A la tête du Royal House of Allure, un certain Mr Morrison s’impose comme la « mother », terme de la communauté pour définir celle qui règne et veille sur la maisonnée. « Je me suis dit que j’allais faire le portrait de cette famille, une famille de cœur, d’élection », explique Sabelo Mlangeni. Il finit par se fondre dans le décor. « Le problème, c’était l’absence d’électricité, souligne-t-il. Le flash attire trop l’attention. Parfois, la présence même de l’appareil photo pouvait être mal vécue. Il fallait saisir les moments où ils se sentaient en confiance, éviter de les photographier quand monte la tension. »
Certains pensionnaires sont conciliants, d’autres posent leurs exigences. Olalere, par exemple, travailleur social, réclame de se faire photographier le corps et le visage enduits de peinture. Tonnex, un jeune danseur perché sur hauts talons, convoque le photographe sur le toit, où il déploie sa silhouette de vogueur.
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