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Avoir le droit d’être intersexué·e·x

Avoir le droit d’être intersexué·e·x
Les personnes intersexuées et leurs allié·e·x·s ont défilé à la Geneva Pride 2019.

Traitements médicaux, manque de statistiques et de transparence, les personnes intersexuées luttent encore aujourd’hui pour avoir le droit à l’intégrité physique et à l’autodétermination.

L’intersexuation est un terme qu’on entend encore trop peu aujourd’hui, pourtant, des chercheur·euse·x·s de la Brown University aux États-Unis estimaient, en 2000, que 1,7% de la population mondiale pourrait être intersexuée, soit 1 personne sur 60, ou encore, à l’échelle suisse, l’équivalent de la population de la ville de Lausanne.

Pourquoi cette absence de visibilité et quels sont les problèmes que les personnes intersexuées rencontrent actuellement en Suisse ?

Hermaphrodisme, intersexuation et consentement

C’est à la fin du XIXe siècle que les premières mentions de naissances intersexuées sont retrouvées. Les médecins parlent alors d’hermaphrodisme, c’est-à-dire que les enfants présentent des caractéristiques sexuelles qui n’étaient pas strictement masculines ou féminines. Cette terminologie reste ensuite d’actualité jusqu’à la fin du siècle dernier. C’est à ce moment que les termes intersexuation et intersexualité font leur entrée. Ces termes, beaucoup plus adaptés, sont ensuite déclinés en «disorder of sex development» en anglais et variation du développement sexuel (VDS) en français.

Selon Audrey Aegerter, présidente de l’association suisse InterAction qui milite pour les droits des personnes intersexuées, un des enjeux principal aujourd’hui reste un problème de définitions: «L’intersexuation concerne toutes les personnes qui ont une variation du développement sexuel. Ces sont des variations de caractéristiques sexuelles (chromosomes, hormones, sexe interne ou externe) ou de caractéristiques sexuelles secondaires (seins, pilosité, musculation, etc.). À la base, on parlait de VDS et d’intersexuation comme étant synonymes, mais de nombreux médecins les distinguent désormais en allant considérer des variations comme intersexes ou non. En faisant cette distinction, le corps médical peut se protéger derrière cela pour opérer l’enfant sans jamais parler d’intersexuation.»

Ces décisions médicales sont dramatiques pour l’enfants et vont à l’encontre d’études comme le «Consensus Statement on Management of Intersex Disorders» publiées par l’American Academy of Pediatrics en 2005 et en 2016. Les opérations sans urgence médicale et sans consentement y sont mentionnées comment représentant des mutilations génitales.

Condamné par l’ONU

Les Nations Unies se positionnent également en faveur de l’autodétermination et contre la mutilation des personnes intersexuées. Selon une note d’information publiée par le Bureau des Nations Unies en charge de la liberté et de l’égalité, l’organisation internationale condamne les traitements administrés sans urgence médicale et sans consentement: «En vue de leur nature irréversible et qu’elles portent atteinte à l’intégrité physique et à l’autonomie de ceux qui les subissent, ces opérations chirurgicales ou traitements non sollicités et sans nécessité médicale devraient être interdits. Les enfants intersexes et leurs familles devraient recevoir des conseils et un soutien adéquats, y compris de leurs pairs.»

Ces problèmes de définitions créent une zone grise autour de ce qui est permis ou non. Le flou persiste encore par exemple autour de l’hypospadias, une VDS qui signifie que l’urètre ne se situe pas sur le haut de la verge du pénis, mais sur un des côtés de celle-ci. Si les Hôpitaux Universitaires de Genève et son corps médical assurent, selon InterAction, qu’ils n’effectuent plus d’opérations sans urgence médicale et sans consentement, il reste écrit dans une brochure d’informations que l’âge idéal pour réaliser l’opération «corrigeant» les hypospadias se situe entre 1 et 2 ans. Un procédé inacceptable pour la présidente d’InterAction qui dénonce ces opérations dans une lettre ouverte adressée au Conseil d’État genevois fin 2019.

Manque de statistiques et de transparence du corps médical

Ces variantes dans les définitions renforcent une situation floue sur les naissances et le nombre d’opérations effectuées sur les enfants intersexué·e·x·s. Selon l’Office Fédéral de la Statistique, il y aurait 1017 enfants né·e·x·s avec un hypospadias entre 2013 et 2017, tandis que le corps médical dénombre seulement 40 enfants né·e·x·s intersexué·e·x·s pendant cette période, alors que tous ces enfants sont considérés comme étant intersexes par plusieurs associations et organisations internationales.

«Des équipes médicales en Suisse déclarent ne plus avoir envie d’opérer les enfants intersexué·e·x·s, mais que face au stress des parents, elles en sont obligées»

Audrey témoigne de son désarroi lorsqu’elle est confrontée au corps médical: «Même s’il y a eu une évolution des mentalités ces dernières années concernant l’intersexuation, je me heurte encore à des médecins, lorsque j’ai des rendez-vous avec des équipes médicales en Suisse, qui déclarent ne plus avoir envie d’opérer les enfants intersexué·e·x·s, mais que face au stress des parents, elles en sont obligées. Certain·e·x·s insinuent également que ce sont surtout des parents issus de l’immigration qui insistent pour que leurs enfants soient opéré·e·x·s. Il est alors «préférable» d’opérer les enfants en Suisse plutôt que dans de moins bonnes conditions à l’étranger. L’argumentation, en plus d’un fondement raciste, néglige encore et toujours les droits humains et le libre choix. Si le corps médical pense qu’il ne faut pas opérer, il faut en discuter avec les parents et, dans le pire des cas, appeler les services de la protection de l’enfance. Céder à l’opération n’est en aucun cas une bonne solution.»

Selon Audrey, le vrai problème réside dans la communication entre le corps médical et les parents. En effet, une étude suisse démontre que la détresse des parents et que leur désir d’opération sont accentués par le cadre dans lequel l’intersexuation leur est annoncée. Les mots, le ton ainsi que le langage corporel et d’autres facteurs influent sur la capacité des parents à intégrer le diagnostic. Plus l’intersexuation est amenée de manière «normale», plus les parents vont être réceptifs et rassurés. « Le corps médical doit se rendre compte qu’il est le seul vecteur de la détresse des parents. On vit très bien, même mieux sans opération et s’en suivent souvent des traitements médicamenteux lourds qui nuisent, pour le coup, à notre santé», déclare-t-elle.

Avortements sélectifs

Un simple coup d’œil sur les statistiques des avortements sélectifs témoigne de la détresse des parents sur la problématique de l’intersexuation. En 2011, la Suisse affichait le plus haut taux d’avortements sélectifs en Europe pour des questions d’intersexuation. Pour une VDS en particulier, il y avait un taux d’avortement sélectif de 74%. «Ces avortements étaient uniquement basés sur le fait que l’enfant était intersexe et n’était pas du tout lié à un problème de santé, ce qui pose des questions sur l’éthique liée à ces interruptions de grossesses», relève Audrey.

Prise en compte de la Pride à Genève

Les personnes intersexuées en Suisse et dans le monde souffrent de violences, de discriminations et de stigmates de la part de la société et du corps médical. Les associations InterAction et la Geneva Pride demandent, au travers de trois revendications, la fin de ces mutilations ainsi que le droit à l’autodétermination:
▪ Nous demandons l’interdiction de tout traitement visant à altérer les caractères sexuels de personnes intersexuées sans leur consentement et sans nécessité vitale, dans la mesure où ces pratiques doivent être reconnues comme des mutilations génitales.
▪ Nous demandons une étude au-delà de la pédiatrie sur les chiffres des interventions, traitements et naissances des personnes intersexuées, en portant une attention particulière à l’âge, la variation, le traitement, s’il y a eu réopération afin d’en comprendre les effets à long terme.
▪ Nous demandons la simplification des procédures concernant le changement de la mention du sexe et du prénom dans les registres de l’état civil pour les personnes trans*, non-binaires et intersexes.

▪ La liste complète des revendications de la Geneva Pride pour l’égalité en fait et en droit pour les personnes LGBTIQ+.
▪ Le site d’InterAction

Sources:
▪ Blackless, Melanie; Charuvastra, Anthony; Derryck, Amanda; Fausto-Sterling, Anne; Lauzanne, Karl; Lee, Ellen (mars 2000). «How sexually dimorphic are we? Review and synthesis». American Journal of Human Biology. 12 (2): 151–166.
Note d’information: «Intersexe», United Nations Free & Equal
Statistiques de la santé 2019, Office fédéral de la statistique
Consensus Statement on Management of Intersex Disorders, Official Journal of the American Academy of Pediatrics
Response to the Council of Europe Human Rights Commissioner’s Issue Paper on Human Rights and Intersex People, European Urology


En collaboration avec Geneva Pride 2020