SOCIETELe podcast « Quouïr » parle des « conséquences de La Manif pour tous »

Podcast « Quouïr » : « La Manif pour tous a eu des conséquences sur les personnes homos qui y ont été emmenées par leurs parents »

SOCIETE« Au nom du fils », la troisième saison du podcast dédié aux personnes LGBT, est lancée ce jeudi
Augustin témoigne au micro de la journaliste Rozenn Le Carboulec dans la saison 3 du podcast Quouïr.
Augustin témoigne au micro de la journaliste Rozenn Le Carboulec dans la saison 3 du podcast Quouïr. - @lauralafon / Nouvelles Ecoutes
Propos recueillis par Juliette Mouillet

Propos recueillis par Juliette Mouillet

L'essentiel

  • La troisième saison du podcast Quouïr, intitulée Au nom du fils, est désormais disponible.
  • Réalisée par la journaliste Rozenn Le Carboulec, cette saison 3 fait entendre le témoignage d’Augustin, jeune homme gay de 19 ans, que ses parents ont emmené en 2012 dans les cortèges de la Manif pour tous s’opposant à l’ouverture du mariage aux couples homos.
  • « Le podcast m’a permis de mettre des mots sur ce qui s’était passé, sur les émotions que j’avais pu ressentir. C’était presque un travail thérapeutique, et ça m’a fait du bien », confie Augustin à 20 Minutes.

Après une première saison consacrée au coming-out et une deuxième dédiée aux parentalités LGBTQI+ (lesbiennes, gays, bis, trans, queer, des personnes intersexuées), le podcast Quouïr revient pour « donner la parole à ceux qui ne l’ont pas », avec Au nom du fils, lancé ce jeudi sur toutes les plateformes d’écoute. Portée par la journaliste Rozenn Le Carboulec, cette troisième saison retrace le parcours d’Augustin, 19 ans. Le jeune homme, qui assume aujourd’hui son homosexualité, évoque l’environnement familial, catholique, dans lequel il a baigné. En 2012 et 2013, quand il était enfant, ses parents l’ont ainsi emmené dans les cortèges de la Manif pour tous pour s’opposer à l’ouverture du mariage aux couples gays et lesbiens. Rozenn Le Carboulec et Augustin ont accepté de répondre aux questions de 20 Minutes sur les coulisses de cette troisième saison intimiste et loin de tout voyeurisme.

Quel a été le point de départ de cette troisième saison ?

Rozenn Le Carboulec : En janvier, j’ai écrit un article écrit pour Le Monde à l’occasion duquel j’ai interviewé des jeunes qui se sont découverts LGBT et que les parents avaient emmenés à la Manif pour tous. A ce moment-là, quelques témoignages commençaient à circuler sur les réseaux sociaux et je me suis dit qu’il fallait absolument faire entendre ces paroles-là. En rédigeant l’article, je me suis dit qu’il fallait aller plus loin dans le décryptage et l’analyse de ce qu’avait pu représenter cette période pour les jeunes qui l’avaient plus ou moins subie, pour les personnes LGBT dans leur ensemble, et aussi pour la société de manière générale.

Comment vous êtes-vous ensuite rencontrés ?

R. Le C. : J’ai publié un appel aux témoignages au mois de juin. J’ai reçu plusieurs dizaines de réponses. Parmi elles, il y avait celle d’Augustin. Il m’a dit, de manière assez détachée : « Je corresponds tout à fait au profil que tu décris et suis prêt à en parler, je suis un "rescapé" de la Manif pour tous, et aujourd’hui je suis capable d’en rire ». Je l’ai donc contacté, comme toutes les personnes qui m’avaient écrit. Il se trouve qu’il était le seul dont les proches acceptaient de témoigner. C’était une condition sine qua non pour moi, je voulais absolument faire participer les familles qui avaient emmené leurs enfants à ces rassemblements dans l’optique de les faire réaliser, peut-être, les impacts que ça avait pu avoir.

Augustin : J’ai envoyé ce message à Rozenn un peu naïvement parce que je correspondais au profil, ça me parlait. Ensuite, je me suis rendu compte que c’était un bon moyen de parler à ma famille de tous ces sujets-là que l’on n’aborde jamais. Pour eux, la Manif pour tous, c’était un moment de notre vie familiale comme un autre, alors que je l’avais vécu totalement différemment.

Avez-vous eu des difficultés à les convaincre de témoigner ?

A. : Même pas, j’ai envoyé un message sur le groupe Whatsapp de la famille, et tout le monde, ou presque, m’a répondu oui. C’était le premier message dans lequel je parlais vraiment à tout le monde du fait que j’étais gay. Ils le savaient tous plus ou moins, mais on n’en avait pas vraiment discuté tous ensemble. Ils ne l’avaient pas appris par moi, en tout cas.

R. Le C. : Il a un peu lâché la bombe dans ce groupe : « Première info : je suis gay, deuxième info : je vais le dire dans un podcast, et vous allez participer » (rires).

Quel était votre objectif en réalisant ou en témoignant dans ce podcast ?

R. Le C. : Mon objectif était d’essayer de donner la parole aux personnes qui ne l’ont pas, c’est un petit peu le point d’orgue de mon travail. A travers cette saison, j’ai vraiment voulu aller au fond des choses, éclairer et contextualiser la parole d’Augustin avec celle de professionnels tels que des sociologues ou des professeurs de linguistique. Il m’a semblé essentiel de laisser une trace de ce combat, qui était très important pour les droits des personnes LGBT et qui a été très douloureux. Je souhaitais aussi mettre en exergue la responsabilité de plusieurs personnes, plusieurs groupes, dans le déferlement de haine homophobe qu’on a pu connaître à ce moment-là. A la fois par rapport aux familles qui ont participé et qui étaient peut-être dans le déni, mais aussi la religion, les médias, qui ont une très forte responsabilité dans ce qui s’est passé. C’était donc une manière de contextualiser et de rappeler tout ça.

A. : J’avais l’impression que la Manif pour tous n’était plus vraiment un sujet. Or, c’est un sujet qui n’est pas clos. Je n’ai pourtant rien vu dans les médias ces derniers mois et on n’a finalement pas trop entendu parler des impacts que ça avait eus. Je pense que c’est un moyen de ramener la question sur la table. Il y a forcément des conséquences auxquelles on ne pense pas sur les personnes homos qui y ont été emmenées par leurs parents. Le podcast permet de mettre tout ça en lumière, et ça m’a personnellement permis de mettre des mots sur ce qui s’était passé, sur les émotions que j’avais pu ressentir. C’était presque un travail thérapeutique, et ça m’a fait du bien.

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