A comme amour…
Puisque c’est le sujet, puisque le grand amour agonise, qu’il soit béni des poètes, de l’Eglise ou de l’Etat. A comme Adam, 25 ans, Parisien, chanteur ténor : « On vit une époque où on nous dit qu’on est libres de plein de choses, mais on a tendance à être paumés en raison de la pression de cette liberté et, du coup, à se raccrocher à des discours ou à des groupes. La liberté, à partir du moment où elle est fantasmée, s’éloigne de quelque chose de simple. C’est comme s’il fallait avoir une stratégie dès le réveil. »
A comme aujourd’hui et peut-être plus vraiment demain ? Ne surtout pas en déduire que ce chantier, ce remue-méninges ne dessinent qu’une passade. Ceux que nous avons rencontrés n’enfoncent aucune porte ouverte. Dans toutes ces histoires, les questions sont de toute façon plus importantes que les réponses.
Vera, 16 ans, les traits pâles et doux d’une gamine qui sort de l’enfance, rencontrée un samedi, chez ses parents à Cachan, près de Paris : « Les mots permettent de se mettre quelque part, de ne pas être complètement perdu. Ne pas mettre de mots, juste être, c’est génial ! Mais, pour nous, c’est une période confuse dans tous les domaines, alors les mots, ça nous aide, ça nous donne des repères. »
B comme bisexuel
Ça monte au collège (voir C), comme une revendication, une parure ou une parade. « C’est alors très anarchique, parfois juste une blague ou juste un fantasme, l’idée que tout le monde peut être bisexuel », se souvient Adam du haut de ses 25 ans.
Eve et Alexander sont collégiens dans un établissement privé à Paris. Ils ont 14 ans, sont amis depuis tout petits, leurs parents sont cadres sup’ ou exercent des professions intellectuelles. Eve : « Là, maintenant, je sors avec un garçon, mais je crois que je ne l’aime plus, que je suis plus attirée par le corps des femmes. »
Alexander : « A un moment, quand on me disait gay, j’aimais pas ça, ça me rendait vulnérable. Maintenant, je montre que ça ne me fait pas mal, je l’assume. Mais il y a des fois où je préfère encore dire que je suis bi, surtout quand je suis avec des garçons. Les remarques homophobes, elles viennent des garçons, pas des filles. » Etre bi sonne chez elle comme de l’audace, chez lui comme une protection, une identité plus facile à porter que l’homosexualité. Etre bi, c’est parfois un passage.
Vera : « J’ai commencé à le sentir en quatrième. En troisième, je me disais bisexuelle, et maintenant je me sens lesbienne. Je suis encore en train de découvrir, ça change, je m’attribue plein de noms. C’est bizarre de dire que c’est une identité qui t’attire et en même temps que tu ne veux pas d’identité. Les normes, ça enferme, j’aimerais juste essayer des choses, être ce que je veux. » Grandir, c’est frotter les mots à la vie.
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