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«Il y a un refoulement à parler de notre sexualité»

«Il y a un refoulement à parler de notre sexualité»
Image d'illustration. StockSnap from Pixabay

Dans un café bondé, face à un jeune inconnu, discuter sexualité pourrait paraître incongru. Pour G.C., se livrer sur son parcours intime à 81 ans, était une invitation comme une autre. Dépassant la sphère purement sexuelle, son récit est touchant et inspirant.

G.C. a 81 ans et a fait son coming out à 70 ans. Pour ce cadet d’une famille de paysans conservateurs, la morale religieuse et sociale des années 40 n’a pas facilité son rapport à l’homosexualité. «Quand j’étais jeune, je n’arrivais pas à l’accepter, je voulais en guérir et le service militaire n’a rien arrangé. C’est lors de mon arrivée à Genève que j’ai commencé à respirer et à pratiquer ma sexualité.»

La sexualité et son espace ont beaucoup évolué, pour G.C., la sexualité a commencé dans la clandestinité. «J’évitais les quelques bars homos de Genève car j’avais peur de voir comment les autres vivaient leur homosexualité. C’est pourquoi, j’ai craintivement fréquenté les pissotières. J’ai pris énormément de risques et à chaque fois que je rentrais j’avais un sentiment de culpabilité énorme. Au niveau sanitaire, les toilettes publiques, ce n’était pas le plus hygiénique, le sida était dans les parages. On savait aussi qu’il y avait des descentes de police régulièrement. Dans les pissotières, les hommes me disaient toujours tu parles trop. C’était frustrant parce que je voulais discuter et échanger mais ça finissait toujours par sortir le pénis. Je cherchais à rencontrer l’âme sœur mais je n’arrivais pas. Encore aujourd’hui j’hésite à fréquenter les pissotières, mais à mon âge, j’ai l’impression de ne plus être désiré comme avant. Ma place est dans d’autres lieux désormais».

Intégration
G.C. fréquente les tamalous depuis onze ans et se souvient tout particulièrement de la première fois où il les a rencontrés. «Quand j’ai connu l’existence de ce groupe, j’ai eu peur de les contacter. Après avoir réussi à leur passer un coup de téléphone, on m’a invité pour une fondue. Malgré mes 70 ans, je suis arrivé en tremblant. Là, je me suis vraiment vu marginal, il y avait 20 homos et je ne connaissais aucun d’entre eux. Aujourd’hui, c’est un groupe que j’aime beaucoup, sa fonction est extraordinaire. J’ai appris beaucoup de choses en les côtoyant et surtout j’ai rencontré l’amour à 73 ans chez les tamalous. Le groupe a été aussi très présent quand je l’ai perdu. Les tamalous m’ont donné quelque chose sur le plan affectif et social, sans me juger, que je n’avais pas trouvé ailleurs ».

Se livrer sur son intimité sexuelle est difficile à tout âge mais le tabou opaque qui entoure la sexualité des aîné·e·s est extrêmement tenace. Comme l’exprime G.C. «il y a un refoulement personnel et social à parler de notre sexualité en tant qu’aîné·e·s. Pour ma part, j’ai toujours lutté pour essayer de me livrer sur mes sentiments. Aujourd’hui, j’ai la chance d’avoir plus de facilité à le faire et ceci notamment grâce à une longue cure psychanalytique. J’ai des amis qui m’ont demandé plusieurs fois comment je faisais pour draguer. C’est tout simple, il faut que je voie la personne en vrai, c’est quelque chose qui n’a pas changé avec le temps. Ma sexualité, j’ai toujours essayé de l’envisager dans un contexte affectif. L’aspect purement sexuel, sans échange, ne m’intéresse plus. J’ai un ami qui a beau m’envoyer des photos érotiques sur mon iPad, ça ne me fait rien. Pareil, l’idée d’une relation virtuelle ne m’attire pas, ça ne marche jamais».

Relations
Inévitablement le corps se transforme au fil du temps, des limitations physiques apparaissent, des sensations disparaissent mais le désir subsiste. G.C. constate que «la sexualité évolue avec l’âge, elle est moins génitale, elle est davantage au niveau affectif, épidermique. Par exemple, les caresses ou les massages ont remplacé la pénétration et la masturbation. Naturellement, je continue d’avoir des fantasmes mais le côté mécanique de la masturbation ne suit pas. J’essaie de me faire du bien avec des lotions, je fais l’effort de prendre soin de moi, je me lave chaque jour par exemple. Depuis que je suis seul, je me suis dis qu’au moins il fallait que mon corps soit touché par un autre. Un jour, j’ai lu les petites annonces du «GHI» et je me suis dis que c’était le moment. J’appréhendais énormément mais je me suis fais confiance et j’ai répondu à l’annonce tout en priant pour que cet homme soit gentil. Même si c’est contre paiement, c’est une très belle rencontre. J’ai noué une relation amicale, affective et chaleureuse avec cet homme qui m’apporte beaucoup de bonheur. Grâce à ses massages, je retrouve un peu de joie de vivre.»

A partir d’un certain âge, pour les LGBT qui se retrouvent seul·e·s, les relations formées prennent de nouvelles formes sociales, sensuelles et sexuelles que celles prédéfinies par le schéma binaire traditionnel. Dans le cas de G.C. et de celles et ceux qui n’ont pas d’enfants et de petits-enfants, la notion de famille est revisitée et s’étend à toutes les personnes qui composent leur intimité quotidiennement et volontairement sans apparents liens du sang. Comme le partage G.C. à cœur ouvert: «J’essaye d’aimer et d’être aimé, car au fond on a tou·te·s peur de mourir seul·e avec nos fantasmes.»

Le projet aîné·e·s de 360 entre dans le concret

Depuis 2017, avec le soutien de la Ville puis du Canton, l’association 360 mène à Genève le «Projet Aîné·e·s LGBT» visant à promouvoir des pratiques inclusives à l’égard de cette catégorie de population. «Les aîné·e·s LGBT ont des besoins spécifiques. Or ces besoins sont globalement méconnus et les politiques sociales et de santé n’en tiennent pas encore compte», souligne Geneviève Donnet, la nouvelle responsable du projet. Après une pré-enquête, le projet est entré dans sa phase concrète, consistant à former les professionnels du social et de la santé à ces problématiques. Des directeurs d’EMS sont déjà demandeurs de telles formations. Un moment fort de cette sensibilisation passera par la tenue, à Genève, d’Assises de la vieillesse LGBT au début de l’année 2020 (fin janvier-début février). «Ce sera l’occasion de réunir les professionnels travaillant avec les personnes âgées, mais aussi de rencontres et d’échanges avec des aîné·e·s LGBT.»

» association360.ch/projet-aine-e-s-lgbt