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Illustratie door Ashley Goodall via
Société

Avec des partenaires de personnes transgenres et non-binaires

Ils nous racontent comment s’est passé le coming-out ou la transition de leur moitié.
Tilke Wouters
Ghent, BE

J’ai eu une relation avec une personne qui a fait son coming-out en tant que non-binaire, et ça a éveillé beaucoup d'émotions et de questions en moi. Quand j’ai voulu avoir plus d'informations sur le sujet, ou simplement trouver des gens à qui en parler, je n’ai trouvé que très peu d’informations et de personnes vers qui me tourner. Il existe très peu d’informations pour les partenaires de personnes trans et non-binaires.

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C’est pourquoi j’aimerais donner la parole à quelques partenaires belges de personnes qui ont fait leur coming-out parce que leur identité ou leur identité ou expression sexuelle ne correspondait pas au sexe assigné à la naissance.

Comment les partenaires de ces personnes vivent-iels cette transition ? Quatre partenaires nous racontent les aspects positifs, mais aussi les moments difficiles qu’iels ont rencontrés, et vous donnent des conseils sur ce que vous pouvez faire si vous vivez une situation similaire.

Cheyenne (21 ans)

Senne entamé sa transition un mois après que l’on se soit mis·es ensemble. Il a toujours été très ouvert à ce sujet. Senne a longtemps été mal dans sa peau ; du coup, on n’a pas eu de relations sexuelles pendant longtemps, même si j'en avais besoin. Ça a provoqué pas mal de tensions entre nous.

Au début du processus de transition, je me rendais régulièrement aux rendez-vous à l'hôpital. La première fois que je suis arrivée, on nous a demandé si on avait pensé aux enfants. J'étais avec Senne depuis deux mois, c'était difficile de répondre sur le coup. Pendant ces rendez-vous, l'accent était principalement mis sur Senne et j’avais à peine droit au chapitre. J'aurais aimé y participer davantage et mieux m’informer. Au lieu de ça, j’ai du me tourner vers les livres et Internet. J’ai également remarqué que les psychologues manquaient cruellement de connaissances sur les questions relatives au sujet LGBTQ+, pourtant c’est indispensable. On ne devrait pas être le sujet d’une spécialisation.

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« Dans les médias, on parle toujours des personnes transgenres ou non-binaires, mais peu ou pas de leur entourage. »

Au final, j'ai vécu à peu près le même processus que Senne, mais j'en ai moins parlé parce que j'avais le sentiment qu'il fallait qu’il reste au centre de l’attention. Même s’il m’était facile de m’effacer par rapport à ça, on ne peut pas négliger l’importance des sentiments qu’on a en tant que partenaire. Il faut arrêter de se voiler la face. Je crois que c'est possible si on rend tout cela plus accessible. C’est important d’en parler, sincèrement.

Dans les médias aussi, on parle toujours des personnes transgenres ou non-binaires, mais peu ou pas de leur entourage, alors que c’est aussi important puisque le soutien de l'entourage facilite la transition. Durant l’enregistrement de M/V/X [ndlr : une série flamande qui suit la vie de cinq personnes transgenres flamandes], beaucoup d'attention m’a été accordée. Je faisais partie de l'histoire, et ça m’a fait du bien. Trop souvent, l'accent est mis sur les conséquences négatives d’une transition, donc je trouve ça important de montrer dans une série que ça peut aussi bien se passer.

Jitske (26 ans)

Jitske-Van-de-Veire

Foto door Tilke Wouters

Il y a un an, Marthe a fait son coming-out en tant que personne non-binaire. Elle utilise maintenant le pronom iel. Ça faisait longtemps que je me doutais qu’elle y songeait et j’avais déjà remarqué qu’elle était mal dans son corps et qu’elle avait changé de style vestimentaire.

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Au début, c’était facile d'être très compréhensive et j'ai par exemple conçu un binder [ndlr : vêtement pour dissimuler la poitrine] pour Marthe. Ce n'est que plus tard que l'incertitude m'a frappée. J’ai commencé à avoir beaucoup de doutes. Marthe fera-t-elle un jour une transition et qu’est-ce que cela voudra dire pour notre couple ?

« Il y avait peu d'informations sur l’expérience de personnes non-binaires et de leurs partenaires. Et le tabou qu’il y avait autour était pesant. »

J'avais le sentiment que ma propre identité était en train de s’effacer et je me demandais si, en tant que femme qui se considère lesbienne, je serais assez bien pour elle. J'ai du lutter avec mes propres étiquettes. Notre relation lesbienne était-elle supposée être une relation queer ? Au sein de la communauté, j'ai ressenti la pression de devoir être automatiquement d'accord avec tout ça, et j'avais peu d’espace pour exprimer ma propre expérience.

Il a fallu beaucoup de temps pour s’habituer aux nouveaux pronoms, à notre vie sexuelle qui a changé ou aux questions de l’entourage. Il y avait peu d'informations sur l’expérience de personnes non-binaires et de leurs partenaires. Il y avait peu de gens à qui je pouvais en parler, et le tabou qu’il y avait autour était pesant.

Ce qui m'a finalement aidée, c'est d’en parler à quelques ami·es homosexuel·les qui ont vécu des expériences similaires et de me documenter sur « Information Transgenre ». C’est important de se renseigner. Si vous connaissez bien le sujet, c’est facile d’être là les un·es pour les autres. Ne remettez pas en question l’expérience que votre partenaire est en train de vivre, mais osez aussi parler de vos propres sentiments.

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Sandra (32 ans)

Sandra

Foto door Tilke Wouters

Fleur ne considère ni comme homme, ni comme femme, et s'identifie comme non-binaire. Quand j'ai rencontré Fleur, son identité sexuelle n'était pas aussi affirmée qu'aujourd'hui.

Il y a un an et demi, j'avais commencé à suivre une personne transgenre sur Instagram. Un jour, je l'ai montré·e à Fleur, et iel a ri. Mais le soir-même, iel est revenu·e de la cave avec une boîte de vêtements pour femme. C’est la première fois qu’on a eu une vraie conversation à ce sujet.

Le fait que nous étions tou·tes les deux protestant·es, a énormément bloqué la conversation. Depuis, on a bien avancé. Fleur a également créé l’asbl Genderspectrum à Gand et a quitté son travail. Iel était prof de religion protestante, comme moi. Fleur a reçu beaucoup de commentaires et la situation était devenue trop stressante.

Il y a encore beaucoup de choses à changer dans l'éducation. Les gens ont peur de parler aux enfants des sujets LGBTQ+. Souvent, on attend jusqu'à l'école secondaire et les questions de genre ne sont pas abordées du tout.

« Au début, c'était difficile pour moi de m’afficher en public avec Fleur. Les gens disent souvent qu’iel est gay à cause de son apparence, alors qu'iel s'identifie comme hétérosexuel·le. »

Je m'inquiète pour la sécurité de Fleur. On cherche à acheter une maison, mais on doit tenir compte de la sécurité du quartier. Depuis les élections, les gens se privent moins de discriminer les minorités.

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Au début, c'était difficile pour moi de m’afficher en public avec Fleur. Les gens disent souvent qu’iel est gay à cause de son apparence, alors qu'iel s'identifie comme hétérosexuel·le. J'ai eu du mal au début, mais maintenant, j'ai beaucoup mûri et je veux juste pouvoir lui montrer mon amour.

C'est génial d'aller faire du shopping avec Fleur. Changer tous ses vêtements coûte beaucoup d'argent, mais je suis très fière d’iel et de son apparence.

Je vais à Genderspectrum de temps en temps, mais je ne veux pas y être trop présente non plus. Je n’y suis pas à ma place ; c’est vraiment un espace pour elleux. Je ne veux pas troubler ça.

Mon plus grand conseil aux personnes qui vivent cette situation serait de poser des questions à votre partenaire. S'il c’est trop difficile oralement, écrivez-les. Et si vous ne trouvez pas de réponses immédiates, essayez surtout d’être en paix avec vous-mêmes.

Ann-Sophie (25 ans)

Ça fait un an et demi que je suis avec Han, et j'ai vite compris qu'iel ne se sentait pas à l'aise avec les constructions de genre. Pour moi, cela n'a jamais été un choc, Han a toujours été Han. Le plus difficile, c’est les pronoms qui ont changé.

Au sein de notre relation par contre, rien n’a changé. C'est surtout avec les autres que c’est différent. Quand je dis que j'ai un·e partenaire, la pensée binaire s’impose directement et il faut pas mal d'énergie pour expliquer à chaque fois que je ne suis pas en couple avec un homme ou une femme.

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« J'ai de la chance d'avoir eu une communauté queer autour de moi depuis le début. Mais je n’ai pas trouvé de partenaires de personnes non-binaires dans mon entourage. »

La langue est le plus gros problème. J'ai eu un certain nombre de discussions avec Han à ce sujet. Pour moi, la langue n'est pas si importante que ça, mais c'est très important pour iel. À force d’avoir ces discussions, je me rends compte que beaucoup de gens y prêtent attention. Parfois, iels s'interrogent sur l'importance des pronoms, surtout parce que cela semble différent de l’anglais. Pour moi, et pour les autres en général, c'est juste un petit effort à faire au niveau du langage pour s'assurer que Han, et d'autres qui ne sont pas dans la construction binaire du genre, se sentent à l'aise.

J'ai de la chance d'avoir eu une communauté queer autour de moi depuis le début. Mais je n’ai pas trouvé de partenaires de personnes non-binaires dans mon entourage. C’est en ligne, sur Pinterest ou Queer It Up, que j'ai trouvé pas mal d'informations et que j'ai pu en parler.

L'avantage c’est que je ne me suis jamais vraiment mise dans une case d’identité sexuelle, mais j'ai tout de suite revendiqué le fait d’être queer.

C’est important de s’investir dans la communication avec son partenaire et de l'aider dans celle qu’iel aura avec les autres, en rectifiant les personnes qui se trompent sur leur genre par exemple. Et n'ayez pas peur de demander de l'aide. En fin de compte, vos sentiments sont aussi justifiés que ceux de votre partenaire.

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