VIH – sida : l’épidémie face au Covid. Un décrochage dans la prévention

En 2019, 690 000 personnes sont mortes du sida dans le Monde. En pleine épidémie du Covid, la journée mondiale de lutte contre le sida résonne autrement.
épidemie sida
(photo : Bulat sylvia Getty Images)
Comme chaque 1er décembre, les bilans sur l’épidémie du VIH s’affichent ce jour-là. Cette année, Santé Publique France n’a pas encore validé toutes les données 2019. Le Covid occupe les biologistes et les professionnels de santé. Néanmoins, les premiers chiffres laissent entrevoir un relâchement inquiétant dans la prévention.

6,2 millions de tests réalisés

En 2019, les laboratoires français ont réalisé près de 6,2 millions de tests VIH, soit une hausse de +6% par rapport à l’année dernière.
Le nombre de tests séropositifs reste stable à 0,19%. Ainsi, en France, pour 1000 tests réalisés, 2 se révèleront positifs.

En parallèle, les autotests VIH vendus en pharmacie connaissent une hausse de leur vente de +6% comparé à 2018. Cela représente 79 500 tests vendus. Le nombre de tests rapides (Trod) réalisés par les associations de santé comme Enipse ou Aides n’est pas encore connu.

2020 : le décrochage

Les chiffres 2019 semblaient encourageants. Mais ceux de l’année 2020 font l’effet inverse. En effet, le Conseil National du sida (CNS) tire la sonnette d’alarme. Dans un communiqué publié le 27 novembre dernier, il estime que « l’activité des structures de dépistage du VIH et des IST a fortement diminué durant le premier confinement. Elle ne s’est que partiellement redressée par la suite ».
Cette année, la crise sanitaire affecte fortement la prévention.

graphique dépistages
(source : Bulletin Santé Publique France – décembre 2020)

En 2020, il manque déjà 650 000 dépistages

Les dépistages dans les laboratoires ont déjà diminué de 650 000 entre mars et septembre 2020. Les tests dans les CeGIDD (les centres de dépistages anonymes et gratuits) et ceux assurés par les associations, ne compensent pas cette baisse. La vente des autotests en pharmacie a également chuté de 22% sur la même période. (étude Santé Publique France).
Cette diminution du dépistage retarde donc l’accès aux traitements antirétroviraux pour les personnes séropositives. Elle entraine une perte de chances thérapeutiques et favorise les nouvelles transmissions du VIH dans la population. Comme pour le Covid-19, le dépistage constitue une solution majeure pour endiguer une épidémie.
Le Conseil National du sida, demande aux pouvoirs publics d’intervenir pour soutenir davantage les populations les plus exposées. Il s’agit de multiplier les dépistages mais aussi de rendre plus accessible la PrEp (voir plus bas).
À cet égard, c’était le sens donné à la semaine du dépistage en Normandie fin novembre. Les acteurs de la santé sexuelle ont organisé des dépistages dans la région, comme Enipse qui a investie les Missions Locales et sensibilisé les jeunes.

Le Covid et le renoncement aux soins de la population LGBT+

A l’occasion de cette journée mondiale, Santé Publique France publie aujourd’hui une étude d’impact de l’épidémie du Covid-19 sur le renoncement aux soins. Cette enquête a été réalisée en juillet 2020 auprès de 8345 hommes ayant des relations sexuelles avec d’autres hommes (gay, bisexuel…).
Il en ressort que 35% des répondants ont renoncé à des soins depuis le confinement et 28% ont reporté leur dépistage VIH/IST. De même, 34% des séropositifs ont reporté une consultation de suivi du VIH.
Ces chiffres sont particulièrement inquiétants. Le relâchement des soins et de la prévention ralentissent la lutte contre le virus.

couple gay
(photo d’illustration : Pekic Getty Images Signature)

6200 personnes ont découvert leur séropositivité

Le nombre de découvertes de séropositivité au VIH reste estimé à 6200 personnes (2018). Le chiffre exact de 2019 n’a pas pu être estimé, en raison d’une sous-déclaration liée en partie à la mobilisation des biologistes et des cliniciens sur l’épidémie du Covid-19.
À partir des déclarations reçues, il est toutefois possible de présenter le profil des personnes ayant découvert leur séropositivité entre le 1er janvier 2019 et le 30 septembre 2020. (étude Santé Publique France).
Les hommes représentent 65% des découvertes de séropositivité. Les moins de 25 ans représentent 13% des découvertes et celles des 50 ans et plus : 21%.

Cas de séropositivité en France
(Source : Santé Publique France, bulletin BSP 9 octobre 2019)
Statistiquement pendant cette période, la contamination par le virus du VIH s’est concrétisée lors d’une relation hétérosexuelle pour 51% des cas. Les hommes ayant eu une relation sexuelle entre hommes représentent 43% des cas. Eu égard à la proportion des personnes homosexuelles dans la population, la communauté LGBT reste la première victime de l’épidémie.
Santé Publique France estime que 24 000 personnes ignorent encore leur infection par le VIH. Ces personnes peuvent présenter des complications graves et transmettent sans le savoir le virus à leurs partenaires.
Aujourd’hui en France : 173 000 personnes vivent avec le VIH.

En Régions

carte france taux vih 2018
(source : Santé publique France, données corrigées au 31/03/2019)
Les régions les plus touchées restent l’Ile-de-France et l’outre-mer avec la Guadeloupe, Martinique et Guyane.

Normandie

En Normandie, depuis 2007 le Corevih* centralise et coordonne l’information et les actions sur le VIH et les infections sexuellement transmissibles (IST) sur la région. Il publie aujourd’hui le bulletin de la situation sanitaire sur le VIH et les IST.
Le Corevih nous informe que 3010 personnes séropositives sont pris en charge par les services de santé. Plus de la moitié a plus de 50 ans.
Mais 22% des personnes découvrent encore tardivement leur séropositivité. Ce retard dans le dépistage freine l’efficacité des traitements.

91% d’indétectable…

Enfin, sur la région, 91% des personnes séropositives réagissent bien aux traitements et sont aujourd’hui indétectables. Être indétectable signifie que le virus est toujours présent dans le corps mais dans des proportions extrêmement faibles empêchant ainsi la transmission du virus à son ou sa partenaire.

Une autre façon de lutter contre l’épidémie : la PrEp

Apparue en France en 2016, la PrEp est un traitement préalable (continue ou discontinue) à une exposition au virus VIH . Elle est destinée aux personnes séronégatives qui n’utilisent pas de façon systématique le préservatif. Le traitement bloque la propagation du virus dans le corps. Ainsi, en cas de prise de risque, la personne restera séronégative si elle suit correctement son traitement avant la prise de risque.

Prep

Et pour combien de personnes ?

La diffusion de la PrEp se poursuit en France. Au 30 juin 2019, près de 20 500 personnes ont initié ce traitement préventif, soit le double par rapport à 2018. Les hommes représentent 97% des patients.
Une majorité des « PrEpeurs » (utilisateurs de la PrEp) se trouve en Ile-de-France (45%). En Normandie, il y avait 372 utilisateurs (1,8% du territoire français) dont 131 sur Rouen selon le Corevih Normandie.

La Covid-19 freine les traitements sous PrEp

Pendant le premier confinement lié à l’épidémie du Covid-19 (mars-mai 2020), Santé Publique France a relevé que 59% des PrEpeurs ont arrêté de prendre leur traitement en raison d’une diminution de leurs rapports sexuels. Néanmoins, la réactivation des traitements doit être correctement anticipée par les patients avant toute prise de risque. Cette interruption pourrait inquiéter les professionnels de santé.
Pour rappel, la PrEP peut être demandée à l’hôpital ou dans un CEGIDD. L’Assurance Maladie prend en charge à 100% du traitement. Il se renouvelle tous les trois mois. Il s’inscrit dans un protocole médical très stricte (rendez-vous, prises de sang régulières, médicament à prendre au bon moment…).

Avertissements

Attention, la PrEP n’empêche pas d’attraper ou de transmettre les autres maladies sexuellement transmissibles. Le préservatif reste la meilleure protection. Les dépistages réguliers sont nécessaires.
Par ailleurs, il faut distinguer la PrEP du TPE (Traitement Post-Exposition) qui est une trithérapie anti VIH administrée après une prise de risque. Le TPE doit être pris pendant 1 mois et doit débuter au plus tard dans les 48h après le risque.
La PrEp : c’est avant la prise de risque. Le TPE : c’est après la prise de risque.

Agenda du dépistage en Normandie VIH
Photo d’Alexander Popov via Unsplash

ALSO : une nouvelle expérimentation qui fait ses preuves…

Accroître le nombre de dépistages est un élément clef dans la lute contre le vih. Il s’agit d’endiguer la diffusion de l’épidémie et réduire rapidement le délai entre l’infection et le diagnostic.
Depuis le mois de juillet 2019, à Paris et dans les Alpes-Maritimes, une expérimentation est lancée. Ce programme se nomme « Au labo sans ordo » (ALSO) et propose un dépistage du VIH sans ordonnance et sans frais dans tous les laboratoires de biologie médicale.
A noter qu’il est déjà possible de réaliser un test au vih dans tous les laboratoires. En effet, il s’agit d’un rare test où il n’est pas nécessaire d’avoir une ordonnance. Néanmoins, il reste payant (environ 25 euros, non remboursé si pas d’ordonnance et n’est pas anonyme), sauf à Paris et dans les Alpes-Maritimes à titre expérimentale.
Les premiers résultats de cette expérimentation sont concluants. Le nombre de tests ALSO représentent 8% de l’ensemble des tests faits en laboratoire. Par ailleurs, les personnes demandant ces tests sont en majorité de nouveaux usagers du dépistage. Ces nouveaux tests n’est pas le fait d’un déplacement des CEGIDD (centres de dépistages anonymes et gratuits) vers les laboratoires.
L’expérimentation se prolonge sur l’année 2020. Une réflexion pourrait être engagée pour étendre ce dispositif à tout le territoire national et ainsi compléter l’offre de dépistage des associations. Si cela se concrétise, et comme pour l’épidémie du Covid-19, toute personne pourrait réaliser un dépistage au Vih gratuitement dans tous les laboratoires.

Sérophobie – discriminations

Aujourd’hui, avec une charge virale indétectable, la personne séropositive ne peut plus transmettre le virus. Néanmoins, elle subie encore des discriminations.

LGBT séropositif
(crédit photo Juan Moyano Canva)
La journée mondiale de lutte contre le sida, c’est aussi une lutte contre la sérophobie avec les refus d’assurance ou les refus de soins chez des professionnels de santé (dentiste par exemple).
Mais la sérophobie existe aussi au sein de la Communauté LGBT. Le rejet des personnes séropositives n’est pas rare dans les rencontres sur les réseaux et les applications.
Dans un récent sondage Louis Harris/Gilead (laboratoire), 65% des français se disent « gênés » d’avoir un rendez-vous amoureux avec une personne séropositive même indétectable. Et 25% seraient « indisposés » s’ils devaient travailler avec une personne porteuse du VIH.
Déjà en 2018, un sondage avait révélé que 43 % des personnes vivant avec le VIH cachait leur maladie à leurs proches.
C’est le sens de la campagne 2020 voulue par l’association Aides sur la sérophobie : « le VIH m’atteint, certains-e-s m’enfoncent. Avec Aides, je me relève. »
« Les militants-es de AIDES sont confrontés au quotidien aux discriminations et inégalités dont ces personnes sont victimes. Ils-elles accueillent leurs histoires, leurs difficultés, sans jugement et leur proposent des solutions adaptées pour améliorer leur accès aux droits, à la santé et à la prévention » indique l’association.
docteur rendez-vous dépistage VIH
Photo Unsplash

VIH ? sida ? ce n’est pas la même chose. Une question de vocabulaire mais surtout de science…

Il faut bien distinguer le VIH du sida. Le VIH est le virus. C’est lui qui cause la maladie. Quand on fait un dépistage, on parle de dépistage du VIH et non de dépistage du sida.
Le sida est le nom d’un ensemble de maladies opportunistes liées au virus. Il faut savoir que l’on peut être porteur du virus VIH sans avoir développé de maladie opportuniste, c’est-à-dire, de sida. Naturellement, l’inverse n’est pas vrai (si on est malade du sida, le virus du VIH est bien présent).
C’est pourquoi il est important de se faire dépister très tôt afin de ne pas développer de maladies grâce aux traitements actuels.
Une personne qui a été exposée au virus du VIH dans son organisme est dite « séropositive », au contraire d’une personne « séronégative » qui n’a pas le virus dans son organisme.

Pour aller plus loin :

Interview de Françoise Barré-Sinoussi, Présidente du Sidaction au journal 20 Minutes : « Beaucoup pensent que le sida n’est plus un problème, mais le virus est encore là ».
*Corevih Normandie : Comité de coordination de la lutte contre les IST et le VIH en Normandie (site internet).

À lire également : les différentes formes de dépistages

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