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L’homosexualité, interdite de séjour en Ehpad

A 89 et 100 ans, elles ont décidé de s’aimer, malgré l’âge et malgré l’Ehpad. Une exception, car en maison de retraite, les seniors LGBT, stigmatisés par les résidents et le personnel, se rendent invisibles. Et s’isolent.

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Publié le 08 mars 2019 à 06h29, modifié le 12 mars 2019 à 18h38

Temps de Lecture 13 min.

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Derrière les portes ocre des chambres de cette maison de retraite médicalisée située près de Paris, se jouent, d’ordinaire, des histoires tristes : un homme, en fauteuil, tête basse, bras ballants, qui râle ; une femme qui répète inlassablement le même prénom : « Eléonore ! Eléonore ! Eléonore ! »

Mais en entrant, à 19 h 30, dans la chambre d’Anne (les prénoms ont été modifiés), on découvre le tableau d’une passion qui défie les lois du grand âge, de la dégradation des corps et de la « bienséance ». Deux femmes de 89 et 100 ans, lovées l’une contre l’autre dans un minuscule lit médicalisé.

Imposante et fantasque grand-mère aux bras ornés de bracelets, Anne raconte à son aînée, Judith, délicate petite dame de 1,50 m au maintien parfait, l’activité apéro-jazz de la veille. Judith, bien que réputée sévère, lui réclame parfois un baiser. Sur le front. Sur la joue. Et, lorsqu’elle s’abandonne totalement, dans le cou. Les deux femmes se réchauffent, se consolent, s’écoutent.

« Il faut le voir pour le croire, s’exclame Anita, nouvellement responsable des aides-soignantes du 5e étage. Ça se passe tous les jours, du lundi au dimanche. L’une ne reste pas sans l’autre. C’est rare, surtout en maison de retraite. Avant, je travaillais au 4e. Mes collègues du 5e me racontaient. Mais je disais : “Ce n’est pas possible. Ce n’est pas vrai.” Il fallait que je monte à cet étage pour voir ça ! Normalement, nos pensionnaires, ils se crêpent le chignon. Là, c’est comme si elles se connaissaient depuis toujours. »

« Ça jase, on parle de nous »

Chaque soir, après un interminable dîner en compagnie d’autres résidents pas vraiment à leur goût, dans les replis du lit de Judith, le temps s’arrête pour les deux résidentes. Mais lorsque la porte s’ouvre, à l’improviste, il reprend son cours brutal : « Je déteste cette manière qu’ont les aides-soignants d’entrer sans frapper, s’agace Anne. La dernière fois, un homme du personnel a sursauté en nous voyant toutes les deux. J’étais très énervée. Je lui ai dit que j’allais rejoindre ma chambre et lui ai demandé de partir. Malgré mon âge, je ne suis pas libérée du jugement des autres. Je sais que ça jase, qu’on parle de nous dans les couloirs. Et cela m’empêche de vivre cette histoire comme je le souhaiterais. »

Cette passion singulière a débuté par un AVC. Le 1er janvier 2018, Judith avait convié un couple d’amis à célébrer la nouvelle année. A peine l’avaient-ils quittée qu’elle a senti son corps lui échapper. Surmontant une douleur aiguë, elle est parvenue à appeler les pompiers et à leur ouvrir le portail de sa demeure en région parisienne. Et puis, elle est tombée.

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