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Vieux gays et vieilles lesbiennes : la crainte d'une double solitude
Eliane, Christophe et Luc ont accepté de nous raconter la vie en grey quand on est gay ou lesbienne.

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Vieux gays et vieilles lesbiennes : la crainte d'une double solitude

Témoignages

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La vieillesse peut être une épreuve particulièrement difficile pour les seniors LGBT. Rompre l'isolement, c'est le nouveau combat d'une génération qui est parvenue à se rendre visible mais qui a perdu beaucoup des siens en route et refuse aujourd'hui de retomber dans le placard de maisons de retraite ignorant ses différences. Rencontres.

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Tous les derniers samedis de chaque mois, c'est le même rituel. Et avec la même excitation, la même exaltation qui envahit Luc Anberrée. A 74 ans, l'ancien professeur d'anglais nantais fait escale chez sa fille cadette dans les nouveaux quartiers du XIXe arrondissement de Paris, où le tramway longe des immeubles contemporains aux formes cubiques colorées. « Ce quartier, ce n'est pas vraiment ma tasse de thé. C'est trop moderne, trop commerçant », souffle celui qui milite depuis plus de vingt ans pour la décroissance. « Mais j'ai hâte d'habiter Paris », reprend-il. Il voit la capitale comme une ville accueillante pour les lesbiennes, les gays, les bisexuels ou les transgenres (LGBT).

Homos sans famille

Et si Luc est si pressé, c'est parce qu'il est l'un des futurs locataires d'une colocation réservée aux seniors LGBT, dans un appartement haussmannien du IXe arrondissement. Quarante-quatre ans après son coming out, le retraité aux cheveux grisonnants en brosse, le visage à peine vallonné par quelques rides d'expression, est célibataire… Mais toujours officiellement marié. Sa femme demeure depuis peu dans un Ehpad du sud de la France. « J'ai longtemps refoulé mes désirs homosexuels, alors, en venant à Paris, cela me rassure de voir d'autres gays et lesbiennes dans la même démarche que moi. » Père de trois enfants qui le soutiennent dans ses démarches, et aussi grand-père, Luc est bien entouré. Il a du mal à exprimer sa solitude, pourtant il la ressent chaque jour un peu plus. « Dans ma vie de gay, je n'ai pas eu envie de refonder une famille. J'aime beaucoup celle que j'ai, mais, vous voyez, c'est un peu compliqué, je me sens coupable, et de fait un peu seul », lâche-t-il, avant de laisser place à quelques secondes de silence.

En France, les vieux homos (50 ans et plus) seraient 1,3 million, dont plus de la moitié vivraient totalement isolés, selon le rapport 2018 de SOS Homophobie, qui, pour la première fois, livrait une analyse sur le vieillir LGBT. Parmi eux, seulement 10% ont des enfants. Une absence qui accentue la solitude lorsque le corps se flétrit, l'audition s'amoindrit et la mémoire vacille.

"En fait, la solitude, ça vient du fait que l'on n'a pas d'enfants"

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Natacha Polony, directrice de la rédaction de Marianne