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«Sort of», voler de ses propres iel

LGBT +dossier
La subtile et touchante série canadienne de Bilal Baig met en scène une jeune personne qui se débat pour vivre sa transidentité face à une famille traditionaliste.
par Marius Chapuis
publié le 8 novembre 2021 à 10h18

Dans la très dense sélection «Panorama international» de la dernière édition du festival Séries Mania, Sort of se distinguait par les merveilles d’humanité que parvenait à distiller cette comédie dramatique canadienne, transportée par la présence incroyablement touchante et drôle de Bilal Baig. Cocréateur et interprète principal de la série, Baig, venu du théâtre, construit sa sitcom autour de l’impossible réconciliation entre sa transidentité et ses origines pakistanaises à travers le magnifique personnage de Sabi, jeune non-binaire installé à Toronto dont la vie ressemble à une liste de choix impossibles.

Sa vie professionnelle d’abord où se superposent un job de barmaid, le soir, dans un bar-librairie LGBT+ et de lourdes journées passées dans le rôle de super nounou à tout faire auprès d’une famille de parfaits hipsters, couple mixte moderne dévoré par le boulot au point que, pour les enfants, Sabi devient le seul roc d’un quotidien bordélique quand bien même sa vie personnelle est un bordel sans nom. Déchiré entre son besoin d’être aimé et entouré et le besoin de mettre de la distance avec un ex atrocement lourdingue, Sabi doit surtout composer avec une famille traditionaliste auprès de laquelle iel n’a pas fait son coming out. L’impossible harmonie entre toutes ces vies parallèles étant rendue d’autant plus compliquée par le fait que sa meilleure amie lui met sous le nez une sortie d’urgence en lui proposant de tout plaquer pour l’accompagner à Berlin.

Au-delà du caractère pionnier de cette série produite par CBC, la grande chaîne publique canadienne (première série à donner son premier rôle à un personnage non-binaire, première série avec showrunner musulman et queer), Sort of se distingue surtout par l’infinie délicatesse de son écriture. Jamais la série ne se perd en monologue lourdingue ou en discours lénifiant. Tout est délivré par la bande, par les situations impossibles dans lesquelles Sabi se retrouve enferré, ou au travers du regard des autres, notamment de ces deux gamins dont iel a la charge. A lui seul, le personnage absolument génial de cette mère control freak qui terrifie Sabi, présentée comme un démon avant qu’on ne découvre un visage bien plus tolérant qu’attendu, résume les trésors de nuances mis en œuvre par Bilal Baig. Au point qu’on n’est pas surpris de découvrir que la diffusion de la série avait pour lui valeur de coming out.

Sort of, 8x22 minutes, disponible sur 6Play à partir de lundi 8 novembre, et sur Téva le 14 novembre.
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