Suranne Jones et Rose Leslie donnent vie à un drame policier original, à la fois oppressant huis clos de sous-marin et thriller exigeant, contribuant au passage à une représentation lesbienne exemplaire à la télévision. Une série à voir sur Arte.
Les fonds marins n'ont jamais été particulièrement rassurants. Mais ils le sont encore bien moins lorsqu'on se retrouve plusieurs mètres sous la surface, coincée dans un sous-marin nucléaire sans aucun contact direct avec la terre ferme et, en prime, avec à bord un meurtrier potentiellement capable de sévir à tout moment. C'est dans cette situation pas très enviable que se trouve Amy Silva, l'héroïne de la mini-série Vigil, diffusée à partir de ce jeudi 13 janvier à la télévision sur Arte et déjà disponible en replay – et en entier – sur Arte.tv.
À lire aussi : "Euphoria" : une saison 2 sous stéroïdes, brutale et grandiose
Vigil, sensation venue d'outre-Manche
Identifiée notamment grâce à son rôle dans la série Doctor Foster, Suranne Jones prête donc ses traits à une enquêtrice chargée d'élucider la mort d'un soldat de la marine à bord du sous-marin lance-missiles (fictif) Vigil. C'est à bord de cet immense navire de l'armée britannique, l'un des fers de lance de la dissuasion nucléaire du royaume, qu'elle devra élucider son affaire. Car ce qui semblait au départ n'être qu'une overdose accidentelle prend vite des airs de meurtre prémédité, laissant supposer qu'une taupe se cache parmi l'équipage… L'investigation se lance, nos nerfs déjà à vif.
Diffusée sur la BBC, Vigil est considérée comme un carton outre-Manche. Pour cause, la mini-série de Tom Edge – à qui l'on doit la série policière C.B. Strike et la rom-com Lovesick – s'est imposée comme la nouvelle fiction dramatique la plus regardée de la chaîne en 2021. Un succès honorable qui se justifie de bien des manières, à commencer par un scénario en béton armé.
Une série de sous-marin captivante et exigeante
Au fil de ses six épisodes, la série déploie une intrigue aux ressorts multiples, criblée de surprises qui pimentent son visionnage. Preuves que son script est maîtrisé au possible, les révélations arrivent toujours à point nommé et une attention appréciable est portée aux fins d'épisode, souvent ponctuées d'un cliffhanger efficace, dans la pure tradition des feuilletons télévisés. Nous voilà hameçonnés, avides de découvrir le fin mot de cette enquête subaquatique hors du commun.
Car si Vigil fonctionne aussi bien, ce n'est pas parce qu'elle réinvente la fiction policière – au contraire, sa tonalité et sa froideur (notamment dans la réalisation) collent parfaitement à ce genre-là et n'innovent en rien. En revanche, situer son histoire dans un sous-marin permet à la série de se distinguer, principalement car la dimension claustrophobique de ce décor épouse avec brio le rythme de l'intrigue. L'un des rares bémols est sans doute l'exigence du récit : une certaine dose de concentration est requise pour bien assimiler les différents enjeux, parfois géopolitiques, et par-dessus tout les différents personnages (et leurs prénoms voire le titre, comme le pontus du sous-marin), sous peine de se voir rapidement larguer.
Une romance lesbienne déjà emblématique
Mais la force insoupçonnée de Vigil réside dans son héroïne, impeccablement incarnée, et la relation amoureuse de celle-ci avec Kristen, une sergente de police campée par Rose Leslie (éternelle Ygritte de Game of Thrones). Loin d'être anecdotique, leur histoire tumultueuse se développe en filigrane à travers des flash-back bien pensés, alimentant la fibre émotionnelle dont la mini-série manquerait autrement. En prime, les deux amantes collaborent à distance, entre terre et mer, et leurs enquêtes parallèles s'entrelacent pour mener jusqu'au dénouement. Signalons au passage aux fans de la série Outlander (Netflix) la présence dans une distribution très écossaise (la série se déroule à Glasgow pour sa partie terrestre) de Lauren Lyle (Marsali MacKimmie Fraser) et de Gary Lewis (Colum MacKenzie).
Bien qu'Amy et Kristen partagent peu de temps à l'écran, l'affection qu'elles se portent exsude une sincérité et une évidence qui vient enrichir la narration. Leur sexualité n'est jamais questionnée, ni manipulée : elle est, tout simplement. Un idéal de représentation LGBTQI+ dont beaucoup devraient s'inspirer. Car il ne faut pas nier son importance : avoir un couple lesbien au cœur d'un thriller policier – qui persiste malgré des évolutions à être un genre très masculin – diffusé en prime-time sur la plus grande chaîne du Royaume-Uni, c'est fort. On espère que de ce point de vue au moins, Vigil fera des petits en France…
À lire aussi : Voici les 21 séries LGBTQI+ qu'il fallait regarder en 2021
Crédit photo : BBC
