SERIE« Queer as Folk » se reboote, plus inclusive et toujours aussi politique

« Queer as Folk » : Sur StarzPlay, une réinvention pour célébrer la communauté LGBT+ et sa diversité

SERIEAlors que les premiers épisodes seront disponibles ce dimanche sur StarzPlay, « 20 Minutes » s’est entretenu avec deux acteurs et le créateur de cette nouvelle version de « Queer as Folk »
Devin Way incarne Brodie dans la nouvelle version de Queer as Folk.
Devin Way incarne Brodie dans la nouvelle version de Queer as Folk. - StarzPlay / StarzPlay / Zéro Virgule
Fabien Randanne

Fabien Randanne

L'essentiel

  • Queer as Folk est un reboot de la série du même nom créée par Russell T. Davies en 1999 au Royaume-Uni. Les premiers des huit épisodes de cette nouvelle version sont mis en ligne ce dimanche sur StarzPlay.
  • Le nouveau casting, qui place au centre les personnes racisées, trans, non-binaires ou en situation de handicap, se démarque des précédents, focalisés sur des personnages homos, cis et blancs.
  • « Raconter des histoires queers est primordial pour moi dans mon travail, explique le scénariste, réalisateur et producteur gay Stephen Dunn à 20 Minutes. Je sentais qu’il était temps d’étendre l’héritage de la série, la représentation des récits queers, sous la houlette de cette franchise iconique. »

Lorsque la série britannique Queer as Folk est arrivée à l’antenne, en 1999, ce fut une petite révolution. Pour la première fois, le public pouvait suivre – en France, sur Canal+ – les aventures de gays et de lesbiennes de Manchester : des histoires d’amour et de coups d’un soir, mais aussi de coming-out et de discriminations, en même temps qu’une célébration de l’amitié.

Stephen Dunn, 33 ans aujourd’hui, se souvient avoir découvert ces épisodes au début de son adolescence. « Je regardais en secret, en baissant le son au maximum », raconte-t-il à 20 Minutes. Plus tard, devenu lycéen, le trentenaire canadien a loué les DVD des cinq saisons du remake américain, sorti entre 2000 et 2005, et ça l’a « époustouflé » : « J’ai été impressionné par le côté punk et unapologetic [qui ne s’excuse pas d’être ce qu’il est]. » Cette année, le fan d’hier signe le reboot - ou réinvention – de Queer as Folk, dont les épisodes seront diffusés en France dès ce dimanche sur StarzPlay, quelques mois après avoir été retransmis outre-Atlantique.

« La visibilité est essentielle »

« Raconter des histoires queers est primordial pour moi dans mon travail, explique le scénariste, réalisateur et producteur gay. Je sentais qu’il était temps d’étendre l’héritage de la série, la représentation des récits queers, sous la houlette de cette franchise iconique. » Il a alors acheté les droits et rencontré Russel T. Davis, le créateur de la série originale, qui lui a donné son blanc-seing : « Je lui ai pitché mon idée et il a adoré. »

Le nouveau casting, qui place au centre les personnes racisées, trans, non-binaires ou en situation de handicap, se démarque des précédents, focalisés sur des personnages homos, cis et blancs. « La visibilité est essentielle. Notre version en donne beaucoup à une partie de la communauté qu’on n’a pas forcément eu l’occasion de voir à l’écran », nous dit Devin Way, qui incarne Brodie.

« Le titre en dit beaucoup », avance Stephen Dunn. Ouvrons une parenthèse : « Queer as folk » est une expression anglaise signifiant, en gros, « Les gens sont bizarres ». « Queer » a aussi longtemps eu un sens péjoratif pour désigner les personnes homosexuelles – un peu comme « inverti » en français. Au fil du temps, un grand nombre de personnes non-hétérosexuelles se sont réapproprié ce terme stigmatisant pour s’en réclamer et lui donner une connotation positive et politique. Fin de la parenthèse et retour à Stephen Dunn. « Je pense que le titre a un sens différent d’il y a vingt ans, estime-t-il. A travers lui, j’ai voulu me pencher sur ce que signifie être queer en 2022, sur l’identité queer ["queerness"] et que la série représente les personnes qui existent à la marge de la marge. »

La Nouvelle-Orléans, «oasis libérale»

L’intrigue s’installe à la Nouvelle-Orléans. « Cette ville est une oasis libérale dans un Etat républicain du Sud [la Louisiane]. Elle a survécu à tant de choses, des ouragans, des inondations… Elle a aussi la communauté queer la plus joyeuse et vibrante que j’ai jamais vue. Sachant que cette série allait aborder des sujets lourds, la situer à la Nouvelle-Orléans, dans cette énergie, permettait d’apporter une touche de légèreté », reprend le créateur de cette nouvelle version.

L’ambivalence est à l’œuvre dès le premier épisode où, comme le révèle la bande-annonce, une fusillade éclate en pleine fête, à l’intérieur d’une boîte de nuit, le Babylone. Une séquence qui ne manque pas de rappeler l'attentat survenu au Pulse, à Orlando, en Floride le 12 juin 2016 et qui a fait 49 morts – sans compter le terroriste.

« Orlando a changé la manière dont les personnes LGBTQ + de cette génération percevaient le danger et la violence contre la communauté. Vous pouvez demander à n’importe quelle personne queer américaine : elle saura vous dire où elle était quand elle a appris qu’une fusillade avait eu lieu là-bas, affirme à 20 Minutes Johnny Sibbily, qui interprète Noah. Il y a eu un avant et un après Pulse. » « Je voulais que Queer as Folk soit respectueuse, inclusive, qu’elle ne soit pas traumatisante, c’est pourquoi j’ai choisi de ne pas montrer de violence. Ce n’est pas l’histoire d’une fusillade, mais d’une communauté qui se reconstruit », précise Stephen Dunn.

« Nos droits humains n’ont pas à être sujet à débat »

« Il est important de partager ces histoires pour ne pas oublier que, bien qu’il y ait des progrès, il y a toujours des gens qui veulent s’en prendre à nous, nous enlever nos droits », rappelle l’interprète de Noah. Des mots qui font écho au regain réactionnaire à l’œuvre ces derniers mois aux Etats-Unis.

Alors que certains s’inquiètent d’un retour en arrière sur le mariage des couples homos après le revirement de la Cour suprême sur le droit à l’IVG, la Floride a déjà mis en place une loi, surnommée « Don’t say gay » par ses détracteurs. Celle-ci interdit, notamment, d’évoquer toute question liée à l’orientation sexuelle à l’école. Dans d’autres Etats, ce sont les droits des personnes trans qui sont remis en question.

« Nos droits humains, nos identités, à nous, personnes queers, n’ont pas à être sujet à débat, déclare Stephen Dunn. Il est important de s’assurer qu’on a une visibilité queer, accessible. Les histoires de Queer as Folk sont plus importantes que jamais. Cela peut être une question de survie pour certaines personnes qui sont isolées. Cela peut leur faire comprendre qu’elles ne sont pas seules. Ce fut le cas pour moi quand je regardais la série, ado. Voir cette communauté m’a donné de l’espoir par rapport à ce à quoi je devais faire face au quotidien. J’espère que quiconque verra cette série comprendra que la communauté est là pour lui ou elle, et que, même dans cet environnement actuel, il y a beaucoup de soutien et d’amour. »

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