LGBTphobie"Séropo et fier" : Fred, activiste LGBT+, lance un blog pour lutter contre la sérophobie

Par Marion Chatelin le 14/09/2018
Sérophobie

Fred, 37 ans, est militant LGBT+ et lutte activement contre la sérophobie. Il s'est engagé au sein de l'association AIDES en 2011, deux ans après avoir appris qu'il était séropositif. D'abord source de souffrance et de honte, le VIH s'est transformé en revendication, voire en fierté. Il a décidé de lancer un blog le 31 août dernier, intitulé « Queer-Kinky-Activiste » pour lutter contre toute forme de sérophobie. Un brin provocateur, Fred ? Il s'agit surtout pour lui de faire bouger les mentalités et de briser les tabous. Pour TÊTU, il accepte de revenir sur son parcours de "séropo" et sur la création de son blog.

« J'ai découvert que j'étais séropositif en 2009. Les toutes premières images qui me sont venues en tête étaient les militants d'Act-Up en colère et tous ces hommes, jeunes, moins jeunes qui sont morts dans les années 1990. Les sentiments qui m'ont traversé étaient surtout de la souffrance, de la honte mais aussi beaucoup de colère. Que du pathos. Je me suis dit 'super je vais avoir une vie de merde !' Entre 2009 et 2011, je suis tombé en dépression. À cause de la maladie et de sa représentation dans la société, mais aussi à cause de mon premier traitement. Une molécule m'a rendu plus sensible au niveau psychologique.

Et puis en 2011, j'ai intégré l'association AIDES et c'est là que ma vie a basculé. J'en ai fini une bonne fois pour toutes avec la honte et la souffrance et j'ai décidé de faire du VIH une fierté. J'ai choisi de dire au monde : je suis séropositif et je suis heureux.

Dédramatiser

Intégrer AIDES en 2011 m'a permis de dédramatiser la situation, de ne plus me sentir isolé ni invisible. Cela m'a permis de pouvoir enfin assumer avoir contracté le VIH. J'y ai rencontré des amis, séropositifs ou séronégatifs, et l'homme qui partage ma vie depuis cinq ans. Surtout, je me suis accepté et j'ai pu commencer à le revendiquer, à assumer mon côté militant. Je me suis donc investi dans l'association : j'ai pu faire de l'accompagnement pour les "Prepeurs" (personnes qui prennent la PrEP, ndlr) en hôpital, mais aussi des séances de dépistages. J'ai également animé des groupes de parole. 

En 2016 j'ai fait mon coming-out séropo, public et médiatique. J'ai voulu briser le tabou de l'invisibilité des personnes séropositives, et témoigner sur les réseaux sociaux et dans les médias. Quand je marche dans la rue, je croise des personnes ayant contracté le VIH, mais personne ne le dit, personne ne le sait. Tout le monde se cache. Finalement, ce qui est le plus dur avec le VIH ce n'est pas le traitement, comme beaucoup pourraient le croire, mais la représentation que la société s'en fait. Ce rejet ambiant et insidieux des personnes vivant avec le VIH qu'on appelle la sérophobie.

« #SéroFierté »

Après la dédramatisation est venu le temps de la revendication. J'ai voulu aller plus loin et marquer les esprits. Lors de la Marche des fiertés, le samedi 30 juin 2018, j'ai arboré fièrement un tee-shirt sur lequel était inscrit « Séropo et fier » avec le hashtag #SéroFierté. L'idée était de montrer aux gens que non, je n'ai pas honte d'être séropositif. Je dois avouer que prendre le métro pour me rendre sur place avec ce tee-shirt n'a pas été facile. Tous les regards étaient braqués sur moi. Plusieurs personnes m'ont dit qu'il n'y avait pas de quoi être fier. Je me suis rendu compte que j'allais à l'encontre de tous ces hommes et de toutes ces femmes qui voudraient que les séropositifs aient honte de ce qu'ils sont et restent invisibles. 

"Séropo et fier" : Fred, activiste LGBT+, lance un blog pour lutter contre la sérophobie

Queer-Kinky-Activiste

Actif sur les réseaux sociaux et notamment sur Twitter depuis deux ans pour lutter contre la sérophobie, je me sentais frustré de devoir m'exprimer en 240 caractères. L'idée s'est donc imposée d'elle-même : faire un blog sur lequel je pourrai librement m'exprimer, au rythme d'un billet par semaine. J'ai lancé « Queer-Kinky-Activiste » le 27 août 2018.

Queer parce que l'acronyme LGBT ne me paraissait pas suffisant, il n'englobe pas les prostituées, les droguées, les marginaux, les fétichistes, les drags... Et l'impact du mot queer est à mon sens beaucoup plus fort. Kinky (qui signifie cochon ou 'olé-olé' en anglais, ndlr), parce que la sexualité prend une place importante dans ma vie. Cela représente quelque chose de libérateur que j'assume totalement, sans être vulgaire ou impudique. Activiste enfin, car je suis un militant pour la convergence des luttes. Parce que les femmes et les personnes trans' sont aussi exposées au VIH et aux LGBTPhobies, elles sont encore plus vulnérables que les autres. J'en parlerai évidemment sur ce blog.

Défendre les minorités dans la minorité

Depuis la loi sur le Mariage pour tous, j'ai pu remarquer que la parole d'une partie de la communauté s'est libérée, et notamment celle de la communauté que j'appellerai « gay mainstream ». Certains homosexuels rejettent celles et ceux à la marge de notre communauté car ils ne donnent pas la fameuse « bonne image ». De mon côté, j'ai vraiment envie de défendre ces minorités au sein de la minorité, celles qui ne veulent pas se conformer au schéma hétéronormé.

Par exemple, dans mon dernier billet sur la PrEP publié le 9 septembre 2018, j'ai voulu parler du « Slut Shaming ». Certains hommes considèrent les 'prepeurs' comme des « salopes » ! J'ai même vu le mot « Truvada Whore » (Truvada est le nom donné à la molécule principale contenue dans un comprimé de PrEP, ndlr) circuler sur internet. Alors qu'ils sont justement responsables et se permettent de vivre leur sexualité comme ils l'entendent. C'est terrible car tout cela insinue qu'il y aurait des bons et des mauvais gays. J'en ai marre de ce discours moralisateur et aseptisé envers celles et ceux faisant partie de la sous culture.

A LIRE AUSSI : "Trop chère", "mauvaise pour la santé"... : 10 idées reçues sur la PrEP passées au crible

« Séropo et clean ! »

J'ai intitulé mon premier billet, publié le 27 août, : « Je suis séropo et clean! ». Je trouve le mot « clean » (propre en anglais, ndlr) stigmatisant, humiliant et sérophobe. Malheureusement, c'est un mot que l'on retrouve trop souvent sur les applications de rencontre pour les homosexuels. Combien de fois m'a-t-on demandé : « Salut, tu es clean ? ». Quand tu es un jeune homme homosexuel de 25 ans et que tu découvres ta séropositivité, ce genre de remarques peut faire très mal. Cela sous-entend que les personnes vivant avec le VIH ne sont pas propres. Avec le temps - et AIDES a été d'une grande aide pour me donner les armes - je me suis mis à répondre par l'absurde : « Oui j'ai pris une douche » par exemple.

"Séropo et fier" : Fred, activiste LGBT+, lance un blog pour lutter contre la sérophobie

Certains me disent que j'affiche trop ma « maladie » avec ce blog. Mais moi, je ne me considère pas malade, et c'est la raison pour laquelle je veux faire changer les mentalités. Le VIH est contrôlé, je suis sous traitement avec une charge virale indétectable. Je ne peux pas transmettre le virus. Je dirais même que je suis moins dangereux qu'un séronégatif qui ne se fait jamais dépister et qui, lui, a peut être quelque chose. L'idée générale est donc de donner une image positive. Pour que le jeune homme qui a la vingtaine, qui habite en province et qui vient de découvrir sa séropositivité, trouve des récits inspirants, qui lui font du bien.

Propos recueillis par Marion Chatelin.

Crédit photos : Fred Colby.

MAJ 17: 50, le 14/09/2018 : Suite aux publications de nombreux messages violents ou serophobes, nous avons décidé de clôturer les commentaires sous cet article.