DON DU SANG - Comme d’autres Français, Jérémy, Simon, Lucas et Frédéric vont faire don de leur sang ce mercredi. Mais pour eux, il s’agit d’une journée un peu spéciale. C’est en effet la première fois qu’ils peuvent effectuer ce geste altruiste en toute légalité. A compter de ce 16 mars, le don du sang est en effet ouvert aux hommes gay et bi sans conditions.
Le gouvernement avait annoncé début janvier mettre fin à cette “discrimination”. Car depuis 2016, les hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes (HSH) pouvaient donner leur sang... s’ils respectaient une période d’abstinence. D’un an d’abord, avant d’être rapportée à quatre mois en 2019. À l’origine, le don du sang leur avait été interdit en 1983 en raison des risques de transmission du VIH, le virus du Sida.
“Cela alimente l’homophobie”
“Le don du sang n’est pas forcément un droit, c’est normal que des personnes en soient exclues, mais quand j’ai commencé à m’y intéresser en 2013 et que j’ai découvert les douze mois d’abstinence, j’étais scandalisé”, se souvient Simon. “C’est quand même stigmatisant et cela alimente l’homophobie”, ajoute cet homme de 30 ans. “C’est très compliqué à vivre, quand cela se base plus sur des préjugés que sur des raisons médicales, car les connaissances sur le VIH ont énormément évolué”, renchérit Lucas, jeune étudiant en droit de 24 ans.
Ça fait 30 ans qu’on aurait pu être réintégrés. Ce sont donc trois décennies de honte transfusionnelle."
De son côté, Jérémy, 26 ans se souvient avoir essayé de faire don de son sang alors qu’il avait tout juste 18 ans et qu’il venait d’entamer sa vie sexuelle. “Je savais qu’on me poserait la question de l’abstinence, or j’avais déjà eu un rapport avec un homme. En face, aucune explication ne m’a été donnée, le médecin m’a juste dit que ce n’était pas possible, il n’y avait aucune bienveillance, semble regretter aujourd’hui encore l’ingénieur. C’est dur, surtout quand on est jeune et qu’on a du mal à s’assumer.”
Pour Frédéric Pecharman, président du collectif Homodonneurs, cette discrimination a pu être justifiée à l’origine par la pandémie de Sida, mais n’aurait pas dû perdurer jusqu’en 2022. ”Ça fait 30 ans qu’on aurait pu être réintégrés. Ce sont donc trois décennies de honte transfusionnelle”, estime-t-il.
Les quatre hommes mettent tous en avant l’importance de ce geste altruiste. Lucas se dit “rompu à l’exercice”, lui qui donne son plasma une vingtaine de fois par an. “J’ai été confronté à la maladie de certains proches, j’ai vu des poches de globules rouges arriver à l’hôpital, je connais leur importance, et pouvoir concrétiser ça aujourd’hui, c’est quelque chose”, explique-t-il.
“J’ai les veines qui bouillonnent!”
Frédéric Pecharman rappelle que le don du sang constitue un engagement. “C’est le fait d’être tourné vers les autres, dire qu’on est généreux et responsables. Ce sont ça, les deux valeurs cardinales du don du sang”, souligne-t-il.
De son côté, Jérémy espère que le fait de communiquer dès ce mercredi sur ce sujet “peut enlever des freins à certains, surtout quand on connaît le manque de sang en France”. Il a raison: en février, il manquait 30.000 poches de sang dans le pays. Comme Lucas, il fait déjà plusieurs dons de plasma par an.
Pour tous les quatre, donner leur sang dès ce mercredi est symbolique. “J’ai envie de faire partie des premiers gays donneurs, j’en suis très fier!”, lance Simon. “Mais je n’y vais pas seulement pour fanfaronner, c’est un geste citoyen”, ajoute-t-il.
“C’est un grand moment, historique, donc il y aura beaucoup d’émotions”, estime Frédéric Pecharman. “Je sais que ce mercredi, c’est le grand saut non pas dans l’inconnu mais vers autrui. À nouveau, on nous permet d’aller vers l’autre, on ne fait plus partie de la caste des parias, on est des citoyens, des donneurs, et on sauve des vies”. Et d’ajouter en riant: “j’ai les veines qui bouillonnent!”
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