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théâtre"Qui se soucie d’une tarlouze qui meurt ?" : la pièce sur le sida "The Normal Heart" montée à Paris

Par Aurélien Martinez le 20/09/2021
"The Normal Heart" est au théâtre à Paris

La pièce de Larry Kramer The Normal Heart, publiée aux débuts de l’épidémie de sida, est pour la première fois mise en scène en France.

"Au tout début de l’épidémie de sida, Larry Kramer a écrit The Normal Heart pour réveiller les consciences et pour laisser une trace de leur passage sur cette planète si jamais le pire arrivait et qu’ils disparaissaient tous", détaille Virginie de Clausade. Pour ses débuts comme metteuse en scène, elle a choisi de traduire – pour la première fois en France – cette pièce écrite en 1985 par l’activiste étasunien créateur d’Act Up, mort en 2020.

"La grande force de ce texte, c’est d’être un témoignage au présent, contemporain de l’épidémie. Alors que ce que l’on peut voir ou lire aujourd’hui sur le sujet est rétrospectif, raconté par des gens qui se souviennent, continue-t-elle. Ici, on est sur une œuvre à la fois politique et testimoniale." On y retrouve donc ce climat du début des années 1980, quand la maladie tuait dans l’indifférence générale. Car, à l’époque, les décideurs politiques (le maire de New York en premier lieu) regardaient ailleurs, le monde scientifique se désintéressait de la question, et même toute une partie de la communauté homosexuelle plongeait dans le déni. "J’ai bien peur que ce ne soit que le début, et tout le monde s’en fout parce que ça ne semble arriver qu’aux hommes homosexuels, déclare le personnage de la médecin. Qui se soucie d’une tarlouze qui meurt ?"

"Ce virus a tout changé dans le monde"

"Tout ce qui est décrit dans The Normal Heart est réellement arrivé", annonce l’auteur en ouverture du texte – son double fictionnel, l’écrivain Ned Weeks, est d’ailleurs fortement autobiographique. Dès 1981, Larry Kramer, notant que ses proches tombaient malades, participa à la création de l’une des premières associations de lutte contre le sida, que l’on nommait alors le "cancer gay". Partisan d’un militantisme plus agressif, il fonda Act Up en 1987 (dont le nom fut repris deux ans plus tard par des militants français). Popularisé en  2014 par Ryan Murphy dans un téléfilm avec Mark Ruffalo, Julia Roberts et Jim Parsons, le texte, vif, comporte de nombreux dialogues a priori anodins mais au sous-texte fort. "Au départ, des gens veulent juste monter une association et, quelques scènes plus tard, ils enterrent trop d’amis trop jeunes, explique Virginie de Clausade, qui a souhaité rester particulièrement fidèle au texte original. C’est bouleversant ; on a beaucoup pleuré lors des premières lectures."

Cette mise en scène s’inscrit dans le sillage d’œuvres comme la série It’s a sin ou 120 Battements par minute, qui souhaitent faire revivre aux jeunes générations la violence de l’épidémie et rendre hommage aux activistes qui se mobilisèrent pour lutter contre. "Ce virus a tout changé dans le monde, a impacté l’intégralité de l’humanité, pointe la metteuse en scène. Et il y a encore des milliers d’histoires comme celle-ci, qui ne demandent qu’à être racontées."

>> The Normal Heart, de Larry Kramer, mis en scène par Virginie de Clausade. Au théâtre du Rond-Point, à Paris, du 8 septembre au 3 octobre.

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Crédit photo : Giovanni Cittadinicesi