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Journée mondiale contre le sida : des failles "inacceptables" en France

Dans un rapport cinglant rendu public à quelques jours de la Journée internationale contre le sida, qui a lieu dimanche, une commission indépendante chargée d’évaluer la politique française en matière de prévention du VIH fait état de résultats "inacceptables". D’autant que de nombreux dispositifs sont aujourd’hui disponibles.

Image d'illustration.
Image d'illustration. Maria Tan, AFP
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La politique française en matière de lutte contre le sida est un échec. Voici en substance ce qu’affirme le Conseil national du sida (CNS), instance publique indépendante, dans un rapport accablant publié mercredi 27 novembre, juste avant la Journée mondiale de lutte contre le sida. Le document pointe des "faiblesses", des lenteurs en matière de prévention. Pire, le CNS juge que la situation actuelle est "inacceptable", compte-tenu du fait "que tous les outils permettant d'enrayer l'épidémie sont disponibles, qu'il s'agisse du dépistage du VIH ou des traitements dans leurs différents usages préventifs".

"C’est pourtant maintenant qu’il faut agir si l’on veut atteindre les objectifs dits ‘3 x 95’ que la France s’est fixés d’ici à 2020", avance Nicolas Derche, directeur des associations Arcat et du Kiosque infos sida et toxicomanie (Groupe SOS), dans un entretien accordé à France 24. La France vise en effet l’objectif du "3 x 95" qui consiste à ce que 95 % de l’ensemble des personnes vivant avec le VIH connaissent leur statut sérologique, que 95 % des personnes qui connaissent leur séropositivité au VIH aient accès au traitement et que 95 % des personnes sous traitement aient une charge virale normale d’ici 2020.

"Une remobilisation forte s’impose"

Trois objectifs que la France est loin d’atteindre. D’abord parce que l'épidémie ne baisse pas chez les hommes homosexuels français. Ensuite, parce qu’on constate que chez les femmes et hommes nés à l'étranger, en particulier en Afrique subsaharienne, qui pour beaucoup se contaminent en France et non dans leur pays d’origine contrairement aux idées reçues, les contaminations ne baissent pas non plus.

On estime autour de 6 400 le nombre de nouveaux cas de séropositivité décelés par an en France. Un chiffre "stable", selon l’étude. Pourtant, des baisses significatives sont décrites depuis plusieurs années à l’étranger, dans des villes et pays aux contextes similaires à la France, souligne le document du CNS. "Une remobilisation forte s’impose sur le plan national", préconisent les responsables de l’étude.

Il semble que les premières failles de la politique préventive apparaissent dès la collecte et la diffusion des données. Les statistiques de l’Agence nationale de santé (ANS) et des Agences régionales de santé (ARS) sont insuffisantes et très inégales en fonction des territoires. Or la fragilité de ces résultats ne permet pas de mettre en place une politique publique adaptée. "Et plus on cherche à avoir des informations ciblées sur des villes et des quartiers en particulier pour mettre en œuvre des opération de prévention, plus les données sont floues et aléatoires", regrette Nicolas Derche, du Groupe SOS.

Simplification du circuit de dépistage

Au-delà du manque de données statistiques, "il faudrait également simplifier les circuits de dépistage", poursuit le directeur. En multipliant les accès aux tests sanguins classiques, aux tests d'orientation rapide (TROD) proposés par des associations et en élargissant leur délivrance aux pharmaciens et médecins généralistes. L'expérience "Labo sans ordo" à Paris et dans les Alpes-Maritimes, qui donne accès aux tests VIH dans les laboratoires de ville, sans ordonnance et sans frais, aux assurés sociaux et titulaires de l'AME, pourrait, si elle est concluante, être généralisée.

Il demeure également des freins juridiques, selon nombre d’observateurs associatifs. "La possibilité de faire des autotests et d’envoyer ses résultats par la poste afin de recevoir ses résultats par SMS, comme on le fait à Londres, s’avère très efficace et rapide mais n’est pas autorisée par les lois françaises", souligne Nicolas Derche. Pourtant, plus on facilitera les démarches, plus on amplifiera le dépistage.

Les migrants, population particulièrement vulnérable face au VIH, "sont davantage préoccupés par leur survie que par leur santé. Or, c’est justement parce qu’ils sont précaires qu’ils sont davantage exposés au virus", poursuit le responsable. De nombreuses femmes se livrent notamment à des pratiques sexuelles à risque en contrepartie d’un hébergement ou parce qu’elles sont menacées.

Plus de moyens, donc plus de résultats

Toujours dans le domaine juridique, la loi qui pénalise les clients de prostitution a davantage fragilisé les travailleurs du sexe. "Les prostituées doivent désormais exercer en dehors des villes, le plus souvent dans des bois, pour satisfaire les clients soucieux de ne pas être arrêtés. Ils s’éloignent donc des lieux où se trouvent les possibilités de dépistage", explique le militant. Par ailleurs, depuis que la loi est passée, les clients sont moins nombreux. Les prostituées n’ont donc d’autres choix que de satisfaire les demandes toujours plus pressantes de rapports non protégés.

Une bonne nouvelle tout de même dans ce sombre tableau. À Nice, où une ambitieuse politique de lutte contre le VIH a été mise en place, des inflexions spectaculaires ont été constatées : une baisse de 40 % des contaminations à été constatée à Nice en 2018. "Signe que lorsque des moyens conséquents sont mis en place, les résultats sont là", s’enthousiasme Nicolas Derche.

Sans surprise, les responsables associatifs comptent donc profiter du rapport du CNS pour réclamer des moyens humains et financiers supplémentaires. Au risque de rappeler des évidences : "Partout où des dépistages sont distribués, il faut des bras pour le faire."  

 

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