PrEPConfiné, faut-il continuer à prendre la Prep ?

Par Elodie Hervé le 31/03/2020
Prep

Si vous suivez les recommandations des autorités, vous n'avez pas d'activité sexuelle en dehors de votre foyer. Mais faut-il arrêter la Prep pour autant ?

En France, aujourd'hui, 20.000 personnes prennent la Prep, dont 5.000 rien qu’à Paris. Ce comprimé, qui peut être pris quotidiennement ou avant et après chaque rapport sexuel, permet de ne pas contracter le VIH, même en cas de relation non protégée. Et avec le confinement - et avec lui, l'absence d'activité sexuelle - la question de continuer ou non ce traitement préventif se pose. 

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Sébastien, 42 ans, a mis en place son rituel en janvier 2019. Il prend son comprimé tous les jours, à l'heure du goûter. “On avait décidé, avec mon mari, de faire cette démarche ensemble. Même si lui prend son comprimé le matin”, lâche-t-il dans un rire. “L’idée c’était d’être plus libres dans nos pratiques sexuelles en dehors de notre foyer.” En couple depuis douze ans, ils ont décidé d’arrêter la Prep il y a une dizaine de jours. “Pour l’instant nous n’en avons plus l’usage, on a donc arrêté le temps du confinement. Quand on pourra de nouveau sortir, on reprendra un booster, avant de revenir à une prise en continue”.

Pas d'effets secondaires

Pour Stéphane Morel, responsable de la recherche communautaire sur la Prep chez Aides, arrêter la Prep pendant plusieurs semaines ne pose aucun problème, d’autant plus qu’il n’y a pas d’effet secondaire à cette pause. “Ma réponse est vraiment toute simple. Il est tout à fait possible d’arrêter la Prep si l’on est sûr de la charge virale de la personne avec qui on est confiné. Ou si l’on est confiné seul”. Ce qui est le cas de Matthieu*, 41 ans. Lui prend la Prep depuis deux ans maintenant, en continue aussi mais avec des pauses régulières quand il n’en a pas l’usage.

“Par réflexe, le premier jour du confinement j’ai continué à la prendre. J’avais d’autres choses à penser à ce moment-là, et je n’ai pas réfléchi au traitement”, explique-t-il. Quatre jours plus tard, il décide finalement lui aussi d’arrêter la Prep, le temps du confinement. “Je ne suis pas confiné avec mon copain et ma vie sexuelle va être assez inexistante dans les prochains jours, donc bon, j’ai décidé de mettre mes reins au repos”. 

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"Mettre ses reins au repos"

 Car si ce traitement préventif est connu pour " solliciter les reins", il n'est pas dangereux pour une personne en bonne santé. Pour toute personne qui entame un traitement Prep, "le bon fonctionnement des reins est vérifié" en amont, rappelle Stéphane Morel.
En revanche, il peut devenir dangereux "pour quelqu'un avec des reins fonctionnant mal, ou qui sont déjà sollicités par des médicaments pris pour d'autres pathologies (les anti-inflammatoires non stéroïdiens par exemple). De même, les personnes consommant beaucoup de protéines (musculation, régime dukan) ou certaines drogues illicites." Faire un pause peut donc mettre les reins un peu au repos car cette "combinaison de molécules est connue pour solliciter les reins", détaille-t-il.

Exceptions

Pour Stéphane Morel, il n'y a qu'une seule raison de continuer à prendre la Prep pendant cette période de confinement c’est si la personne avec qui on va avoir des relations sexuelles n’est pas au clair avec son statut ou si celle-ci n’a pas encore de traitement VIH adapté. A ces personnes, Stéphane Morel conseille de ne pas stopper ce traitement préventif. Pareil pour les TDS qui vont travailler, et pour ceux qui ne respecteraient pas le confinement. 

Pour les autres, si la vie sexuelle se limite à un partenaire à la charge virale indétectable ou si le statut négatif est sûr, il n’existe aucune contre-indication pour arrêter. “Et encore une fois, il n’y a aucun effet secondaire lors de l’arrêt de la Prep”. 

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Reprise

Une fois cette période de confinement terminée, le retour à un traitement continu se fait sans difficulté. Pour les hommes cisgenres, il est conseillé de prendre un booster, c'est à dire 2 comprimés, minimum deux heures avant le rapport sexuel, et de reprendre son traitement quotidien dans le cas d'une prise en continu. Quant à ceux qui ont choisi la prise à la demande, n'oubliez pas de prendre un comprimé 24H après la première prise, puis 48H après, et de continuer au cas où votre activité sexuelle ne s'arrête pas. 

Pour les personnes trans, il est conseillé d’attendre sept comprimés avant de considérer que la Prep fonctionne. “Quelques études montrent que la prise d’hormones féminines réduiraient l'adhérence des molécules. Pour éviter tout risque, il est donc conseillé de prendre la Prep uniquement en continu”Il en est de même pour les personnes avec un vagin, la molécule est plus longue à adhérer. “En gros, si une personne est pénétrée vaginalement, il est préférable de prendre la Prep en continu et d’attendre sept comprimés avant de se considérer comme protégé.e”. Pour toute autre pénétration, après un booster, la Prep est efficace.

Pas de pénurie

Quant à d’éventuelles pénuries de médicaments, Stéphane Morel se veut rassurant. “Les ordonnances ont été prolongées, les stocks en pharmacies sont disponibles et les génériques sont nombreux. Il n’est pas nécessaire d’avoir plusieurs boites d’avance”. Pour rappel, la Prep de protège pas des autres IST, uniquement du VIH.

Et en cas de doute ou d’inquiétudes, les accompagnateurs Prep de Aides continuent leur travail à distance pendant toute la durée du confinement. En Ile-de-France, des consultations Prep et santé sexuelle en lien avec les établissements peuvent-être mises en place. Tous les numéros et horaires sont disponibles sur le site de Aides.