rechercheUne souche très résistante du VIH a été découverte, mais il n'y a pas de quoi paniquer

Par Nicolas Scheffer le 31/08/2020
VIH

Une souche du VIH résistante aux antirétroviraux a été découverte en Occitanie. Elle a été transmise et serait résistante à la PrEP, mais les médecins restent confiants sur son évolution.

Un article publié dans la prestigieuse revue scientifique The Lancet intéresse particulièrement la communauté de la lutte contre le VIH. Deux patients qui habitent la région Occitanie sont porteurs d'une souche de VIH résistante à pratiquement tous les antirétroviraux. À première vue, cette souche, résistante également à la PrEP, pourrait faire craindre une reprise de l'épidémie, mais l'équipe à l'origine de l'étude se veut rassurante, "vigilante, mais pas alarmiste".

À LIRE AUSSI : Les nouvelles contaminations au VIH en baisse en France

Ce n'est pas la première fois qu’un cas de transmission de virus multi-résistant est décrit, mais jamais une souche transmise n’avait un tel niveau de multi-résistance. Le premier cas a été découvert à New York en 2004. Mais ils sont extrêmement rares : seules 0,1% des souches identifiées en France présentent une résistances aux trois principales classes d'antirétroviraux. Ces classes de traitement sont différentes portes dans la lutte contre le virus. Habituellement, cette résistance ne concerne qu’un seul médicament de la classe, ce qui laisse d'autres options thérapeutiques. à la différence de la souche découverte qui est résistante à tous les antirétroviraux classiques. "La véritable découverte, c'est que l'on sait que cette souche a été transmise et qu'elle est résistante à la PrEP", explique à TÊTU le Pr Pierre Delobel, chef du service des maladies infectieuses au CHU de Toulouse, à l'origine de l'article.

Il y a eu transmission

"Habituellement, un virus très muté a du mal à se reproduire", explique Franck Barbier, responsable des nouvelles stratégies de santé chez AIDES. La mutation rend le virus plus lourd, moins "fit", disent les scientifiques. Ici donc, il y a eu transmission, mais les deux patients identifiés ne se connaissent pas. Il y a donc nécessairement au moins une troisième personne - et vraisemblablement plusieurs - porteuse de la souche résistante, qui échappe aux radars des médecins...

À LIRE AUSSI : C’est confirmé, une personne séropositive sous traitement ne transmet pas le VIH

"Évidemment, tous les laboratoires et tous les virologues de France sont en alerte. Les autorités espagnoles également, puisque la Catalogne a beaucoup de liens avec la région. Le risque de diffusion de cette souche est faible", rassure toutefois le professeur Delobel. D'autant que les deux patients se sont engagés à utiliser un préservatif lors de leurs prochains rapports sexuels. Et qu'il est facile de repérer cette souche lors d'un dépistage.

Admission au sein d'un essai clinique

Le patient "source" est âgé de 54 ans. Il a été diagnostiqué positif en 1995. "C'est le patient source, c'est-à-dire que le virus a évolué dans son corps ces 25 dernières années", indique le médecin à l'origine de l'étude. Son taux de CD4, les cellules responsables du système immunitaire, est inférieur à 200 par millimètres cube contre 500 pour la population générale. Mais ce n'est pas parce qu'il est résistant aux antirétroviraux existants qu'il ne peut pas être traité. "Il a été admis au sein d'un essai clinique d'une nouvelle classe de traitement", confirme son médecin.

À LIRE AUSSI : Nouvelle rémission du VIH, "il reste encore beaucoup d’inconnues"

Le dépistage du second patient, âgé de 23 ans, a été réalisé en primo-infection. Cela signifie que le diagnostic a été posé 12 semaines au maximum après la contamination. Bonne nouvelle, son taux de CD4 est élevé et sa charge virale a tendance à descendre. Son état ne nécessite donc pas qu'il soit admis au sein de l'essai clinique.

Recherche et dépistage, le cocktail pour lutter contre le VIH

"Il n'y a pas de diffusion large de cette souche. Elle nous oblige à être en alerte, à être vigilant sur son évolution pour la maîtriser", indique le professeur Delobel. "On a toujours réussi à contrôler ce type de souche", rassure Franck Barbier d'AIDES. "Cette découverte conduit à deux enseignements : la recherche est particulièrement importante. Elle nous permet de faire face à la mutation du virus et à proposer un traitement à ces mutations résistantes. Cela valide également la stratégie du dépistage massif, qui permet de cloisonner les souches", poursuit le militant. Car le dépistage rapide du patient de 23 ans a permis d'éviter la transmission du virus à d'autres personnes.

 

Vous pouvez vous faire dépister gratuitement dans l'un des CeGIDD recensé par cette carte : 

 

Crédit photo : PixNio / DarkoStojanovic