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Décryptage

Traitement du VIH : une injection tous les deux mois et basta

Dès ce mardi, les patients VIH éligibles et ceux qui le souhaitent pourront bénéficier d’une injection intramusculaire tous les deux mois. Une nouvelle avancée thérapeutique synonyme d’amélioration du quotidien.
par Charles Delouche-Bertolasi
publié le 21 décembre 2021 à 7h50
(mis à jour le 22 décembre 2021 à 13h15)

Bientôt terminé le comprimé quotidien ? Quarante ans après la découverte du virus responsable du sida, les personnes séropositives vont pouvoir gagner en confort. Dès ce mardi, il est désormais possible aux personnes séropositives de remplacer leur médicament quotidien par une injection, à renouveler tous les deux mois. Fred Bladou, 53 ans, militant à l’association AIDES et infecté en 1986, salue cette alternative. «Cela faisait très longtemps qu’il n’y avait pas eu d’innovation et de progrès dans la lutte contre le Sida, souligne-t-il. Passer d’un traitement quotidien à une injection tous les deux mois, c’est un vrai confort.»

Le Journal officiel a annoncé le remboursement de ce nouveau traitement le 17 décembre. Il avait obtenu une autorisation de mise sur le marché l’année dernière. En France, au cours d’essais cliniques, quelques centaines de patients avaient déjà pu expérimenter ce qui ressemble à une révolution thérapeutique. Des essais multiples qui ont montré l’efficacité de cette bithérapie injectable et démontrent, avec un recul d’environ deux ans, que le passage à cette solution injectable est tout aussi efficace que la prise de comprimés.

Une combinaison de deux antirétroviraux

Ce nouveau traitement résulte de la combinaison de deux antirétroviraux, le cabotégravir et la rilpivirine. Le traitement est désormais disponible dans les pharmacies. Au lieu de prendre des cachets quotidiens, ce sera une injection intramusculaire des deux molécules tous les deux mois. L’injection se fera dans chaque fesse et les trois premières séances devront avoir lieu à l’hôpital. A l’issue de cette période de rodage, le patient pourra aller chercher son traitement en officine ou bien recevoir la piqûre à domicile de la part d’une infirmière agréée.

Il existe toutefois des conditions pour en bénéficier. La prise de certains antibiotiques empêche par exemple sa délivrance et il ne peut être administré qu’aux patients ayant une charge virale maîtrisée depuis six mois. Les six injections annuelles des deux molécules représentent un coût de 7 600 euros, entièrement pris en charge par la sécurité sociale. Toutefois, il est contre-indiqué chez les personnes dont la souche de VIH a connu des résistances et /ou des échecs thérapeutiques et chez les personnes sous traitement anticoagulant. Il n’est pas recommandé chez les femmes enceintes en raison d’un manque de données pendant les essais. Un point de vigilance est également souligné chez les personnes obèses ou en surpoids. Le traitement n’est pas contre-indiqué chez ces personnes mais à surveiller, car les rares échecs survenus lors des essais se sont produits chez des personnes avec un IMC (indice de masse corporelle) élevé.

Pour les personnes soucieuses de discrétion ou en quête d’un confort de vie, recevoir l’injection tous les deux mois est une pratique moins contraignante que la prise quotidienne d’une pilule. Elle permet notamment de limiter le risque d’oublis ou encore de voyager sans se soucier de manquer de comprimés. «Aujourd’hui encore, beaucoup de personnes cachent leurs cachets et sont victimes de stigmatisation. Pour les personnes précaires, celles qui n’ont pas un bon cadre de vie, ce traitement extrêmement facile à prendre va aussi leur permettre d’avoir un paquet de médicaments en moins à trimballer, explique Fred Bladou. Lui ne bénéficiera pas de ce nouveau traitement : «Les vieux séropositifs sont exclus car on a la chance d’avoir des traitements stabilisés.»

«Une amélioration en fonction des besoins et des modes de vie»

Dans sa revue trimestrielle baptisée Remaides, l’association AIDES a interrogé 581 personnes vivant avec le VIH quant à leur intérêt face à ce nouveau traitement. Le questionnaire qui leur a été adressé montre des résultats qui diffèrent en fonction des conditions de vie. Dans ces 581 personnes, nous trouvons une majorité d’hommes (79 %), 462 personnes nées en France (80 %). La moyenne d’âge des répondants est de 52 ans et pour 50 % d’entre eux l’année de découverte de l’infection au VIH se situe avant 2005. Par ailleurs, 48 % des personnes se disent très intéressées par ce nouveau traitement en injectable et 30 % sont assez intéressées. Le frein principal identifié dans cette étude est le déplacement à l’hôpital qui est contraignant pour 44 % des répondants.

«Notre enquête montre que ce sont les plus jeunes et plus les femmes que les hommes qui se disent intéressés, explique Franck Barbier, responsable parcours et programme au sein de l’association. Ça met en évidence le fait que le développement des médicaments ne peut pas être généralisé. Pendant des années, les traitements contre le VIH ont été faits sur des hommes blancs de quarante ans. Ensuite, on extrapolait ledit traitement au monde entier. Or, il faut raisonner en termes de population. Les injectables ne sont pas supérieurs aux comprimés mais peuvent mieux correspondre à certaines personnes.» Franck Barbier refuse toutefois tout excès face à cette innovation : «Les laboratoires ne manquent pas de parler de révolution mais c’est aux personnes de le dire. Ce qui est sûr, ce que ce traitement constitue une amélioration en fonction des besoins et des modes de vie.»

Professionnels de santé et militants associatifs rappellent l’importance du dépistage, après une année 2020 notamment marquée par les baisses de délivrance de la Prep (prophylaxie pré-exposition), un mode de protection ouvert en France depuis près de dix ans. Il s’agit, en effet, de prendre un traitement anti-VIH avant, pendant et après un rapport à risque, ou de le prendre en continu. Si ce traitement anti-VIH est correctement suivi, soit avant, pendant et après un rapport à risque, ou en continu, le risque d’être contaminé est quasi nul. D’après les données de Santé publique France, en 2020, on note encore que «30 % des infections au VIH ont été découvertes à un stade avancé, ce qui constitue une perte de chance en termes de prise en charge individuelle et un risque de transmission du VIH aux partenaires avant la mise sous traitement antirétroviral.» En France, on estime à 180 000 le nombre de personnes actuellement infectées par le VIH, dont près de 25 000 ne le savent pas, causant autour de 400 morts par an.


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