Le parfum fleuri de Lucie Hovhannessian embaume la salle d’un élégant café des Grands Boulevards, à Paris. A 27 ans, cette jeune femme qui se décrit comme « fan de séries, de cinéma et de jeux vidéo » prévient d’emblée, comme pour éviter tout malentendu : « Je suis normale. » « Je suis une femme blanche tout à fait banale qui a contracté le VIH en étant étudiante », résume-t-elle, entre deux gorgées de cappuccino fumant.
Lucie a découvert sa séropositivité à 20 ans, lors d’un test avant une opération chirurgicale. Son histoire, elle l’a racontée dans un livre, Presque comme les autres, ma vie de jeune séropositive (Robert Laffont, 2018). Une manière pour elle de briser un tabou, de raconter le VIH à notre époque et d’informer, parce qu’« un livre sur sa vie ou un film comme 120 battements par minute est tout aussi efficace qu’une campagne de prévention ».
« Quand le médecin me l’a annoncé, c’était comme si un trou noir venait de s’ouvrir devant moi. Pourtant, je savais que j’avais pris des risques… », confie-t-elle. A cet âge, Lucie avait eu sept partenaires masculins, dont « deux ou trois » sans s’être protégée. « Je pensais que cela ne concernait que certaines populations où le virus est surreprésenté, comme les gays ou les personnes d’Afrique subsaharienne. Que ça n’arrivait qu’aux autres, et pas à une gamine de 20 ans de Saint-Dié-des-Vosges », lance cette jeune femme de la classe moyenne – son père est ingénieur, sa mère ancienne gérante d’un magasin d’alimentation bio.
Ne rien dire aux autres
Lorsqu’elle a appris qu’elle était séropositive, Lucie était étudiante. Elle venait d’arrêter sa licence de sociologie à l’université de Nancy. Elle s’apprêtait à quitter sa région natale pour commencer un DUT (diplôme universitaire de technologie) d’information-communication à Cannes (Alpes-Maritimes), option journalisme.
Rapidement, les questions l’assaillent. « Et si les profs me stigmatisaient ? Et si les élèves me regardaient autrement ? » Elle décide de garder le silence sur sa maladie. Seuls deux camarades sont dans la confidence. « Je venais de commencer mon traitement et de déménager. Tout était nouveau pour moi, je ne me voyais pas en parler car je n’avais pas encore mûri la situation », explique-t-elle. Sa maladie, Lucie préférait en parler d’une façon indirecte, au travers des travaux qu’elle réalisait pour ses cours. « Je faisais des micros-trottoirs ou des articles sur la prévention du VIH. »
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