Le nouveau est-il préférable à l’ancien ? Pas toujours. En ce qui concerne la prévention médicamenteuse de l’infection par le VIH, une équipe médicale américaine répond négativement. Dans un article d’opinion paru lundi 13 janvier dans les Annals of Internal Medicine, Douglas Krakower (Beth Israel Deaconess Medical Center, Boston) montre que, d’après la comparaison des données existantes sur deux médicaments vendus par le laboratoire Gilead Sciences, le Truvada et le Descovy, la priorité doit être donnée au premier et plus ancien.
A l’inverse, l’industriel s’appuie sur les conclusions présentées en juillet 2019 d’une étude Discover, menée chez des hommes ayant des rapports homosexuels et des femmes transgenres, pour soutenir que le Descovy est plus efficace et plus sûr en matière de prévention. La controverse a aussi de fortes implications financières. Il existe déjà en Europe des génériques du Truvada : en France, la boîte de 28 comprimés de Truvada est vendue 341 euros, et ses génériques 171 euros. Son brevet expirera fin 2020 aux Etats-Unis. Celui du Descovy, lui, arrivera à échéance en 2022, mais Gilead espère le faire prolonger jusqu’en 2025. Sollicité par Le Monde, Gilead Sciences n’a pas souhaité commenter cette publication.
Chimiquement proches
Combinant plusieurs molécules antirétrovirales pour ce l’on appelle la prophylaxie pré-exposition (en anglais, PrEP) chez des personnes séronégatives à risque élevé de contracter le VIH, les deux médicaments sont chimiquement proches. Truvada est le nom commercial de l’association ténofovir disoproxil fumarate et emtricitabine (TDF-FTC) ; le Descovy réunit ténofovir alafénamide et emtricitabine (TAF-FTC).
L’article de Douglas Krakower et de ses collègues soulève plusieurs questions, à commencer par celle de l’efficacité du Descovy supposée supérieure à celle du Truvada. Il relève que les concentrations sanguines en ténofovir atteintes avec le premier sont plus élevées et plus rapidement obtenues qu’avec le Truvada, mais qu’il n’en va pas de même dans les muqueuses génitales et rectales. Il n’y a, selon les auteurs, pas de consensus sur la signification de cette cinétique en matière de protection.
« Plus important, le Descovy ne remplit pas les critères d’efficacité supérieure lors de la comparaison avec le Truvada », affirment les chercheurs, qui jugent que, si l’on peut considérer les deux médicaments « également efficaces pour les hommes ayant des rapports homosexuels et peut-être les femmes transgenres, (…), utiliser le Descovy plutôt que le Truvada pour d’autres populations » relèverait d’un « acte de foi » plutôt que d’une démarche scientifique. Les auteurs estiment que la marge d’amélioration de l’efficacité du Descovy par rapport au Truvada est faible. Quant à la sécurité d’emploi, la comparaison des deux médicaments ne met pas en évidence une supériorité convaincante, notent-ils.
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