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Haine et harcèlement en ligne : des députés réclament plus de sanctions

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Déplorant le flot d’insultes racistes et homophobes visant, entre autres, Bilal Hassani, trois parlementaires ont transmis mardi au secrétaire d’Etat chargé du numérique des propositions «pour endiguer le phénomène».
par Florian Bardou
publié le 30 janvier 2019 à 19h51

Des «gros PD», «tafiole», «sal fdp» (sic), des menaces de mort dont on ne reproduira pas le contenu – extrêmement violent – mais aussi des amalgames avec la pédophilie et des insultes racistes. Depuis sa qualification samedi pour représenter la France à l'Eurovision, et déjà bien avant, le chanteur et youtubeur Bilal Hassani croule sous les messages haineux, déversés par milliers sur les réseaux sociaux, en particulier Twitter. Ce torrent d'homophobie et de racisme l'a d'ailleurs motivé mardi à porter plainte contre X pour «injures, provocation à la haine et à la violence et menaces homophobes».

A ses côtés, les associations Mousse, Stop homophobie et Urgence homophobie dénoncent en effet la «recrudescence» ces derniers mois des propos LGBTphobes sur Internet. Il y a tout juste deux semaines, deux d'entre elles ont même lancé une grande action judiciaire en déposant plus de 200 plaintes contre X pour alerter sur l'impunité qui règne en ligne. Pourtant rien n'y fait : la haine, qu'elle soit homophobe, mais aussi sexiste, raciste, antisémite, transphobe… continue de s'exprimer malgré son caractère délictueux. Les condamnations se comptent sur les doigts d'une main et les moyens mobilisés pour lutter contre semblent dérisoires.

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Déplorant ce «déferlement», trois députés sensibles à la cause – ils ont notamment rédigé un rapport parlementaire sur la lutte contre les discriminations anti-LGBT dans les outre-mer – ont donc décidé d'en appeller à l'exécutif. Ils ont écrit mardi au secrétaire d'Etat chargé du numérique, Mounir Mahjoubi, afin de lui transmettre des propositions dans l'attente de la présentation prochaine d'un projet de loi pour renforcer la lutte contre la haine en ligne. Dans leur courrier, Raphaël Gérard (LREM), Laurence Vanceunebrock-Mialon (LREM) et Gabriel Serville (GDR) insistent sur trois points : que les messages haineux soient «systématiquement» supprimés par les modérateurs des plateformes numériques ; que les sanctions visant les auteurs de ces diatribes soient durcies, notamment qu'«en cas de récidive» leurs comptes soient définitivement suspendus ; et enfin, que Twitter, Facebook et consorts soient dans l'obligation légale, comme Airbnb, de demander une pièce d'identité lors de l'ouverture d'un compte sur un réseau social quitte à remettre en cause le caractère absolu de l'anonymat.

«Sentiment d'impunité»

«Du point de vue de l'arsenal judiciaire, on a déjà ce qu'il faut (les injures homophobes sont punies dans le Code pénal de peines de prison et de forts amendes, ndlr), plaide auprès de Libération Raphaël Gérard, député LREM de Charente-Maritime ouvertement gay, mais on a du mal à identifier et poursuivre en justice les auteurs de propos haineux. Il faut donc des mesures fortes pour rompre avec le sentiment d'impunité.» Avec son collègue élu de Guyane, Gabriel Serville, le parlementaire avait pourtant déjà interpellé la direction de Twitter France en novembre après une campagne de cyber-harcèlement visant le désormais candidat de la France à l'Eurovision, qui ne l'était pas encore. «On est ressortis rassurés sur la proactivité de Twitter à l'issue d'un rendez-vous avec la directrice des Affaire publiques en décembre, tempère Raphaël Gérard. Il y a une zone grise dans laquelle les plateformes peinent à réagir, c'est pour cela qu'il faudra passer par la levée de l'anonymat.»

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Une bonne idée pour «endiguer» la haine en ligne et ses effets dévastateurs pour les victimes ? L'avocat Etienne Deshoulières, de l'association Mousse, balaye cette éventualité. «Je suis pour qu'on puisse s'exprimer sous couvert d'anonymat et je suis contre contre la modification du régime de responsabilité des hébergeurs, défend auprès de Libération celui qui est aussi l'avocat de Bilal Hassani. On peut néanmoins les obliger à identifier les auteurs de propos haineux qui ont un compte chez eux afin qu'ils communiquent plus facilement leur identité à la justice.» A condition que l'institution judiciaire ait aussi les «moyens humains pour traquer les propos haineux» sur Internet, selon l'avocat. Le gouvernement n'a en tout cas pas encore dévoilé la philosophie de sa future loi.

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